I
SPECIMEN
DES
CARACTÈRES
DE LA FONDERIE DE
N. P. GANDO
À PARIS
ET DE SON FILS
TH. S. GANDO
À BRUXELLES.
À HAARLEM
CHEZ JOH. ENSCHEDÉ EN ZONEN
MDGCCCXVIL
AVANT-PROPOS.
/6^/
De la Fonderie de caractères des Gando's il nous est peu connu. La famille
est d'origine suisse. Jean Louis Gando, qui avait établi une fonderie à Belle
au dix-septième siècle la transportait à Paris au comme?icement du dix-
huitième siècle.
Son neveu Nicolas, fils de son frère, né à Genève et décédé à Paris en
iy6y, continuait les affaires et les agrandit considérablement en i y 58 par
l'aclmt de la fonderie de Claude Lamesle.
Le dit Nicolas s'était associé avec son fils Pierre François Gando, né à
Genève en iyS3, décédé à Paris en i 800 , qui laissait les a ff car es en con-
dition florissante à son fils Nicolas Pierre.
On ignore, si les situations politiques ont eu une infiiœnce défavo-
rable sur les affaires ; néanmoins, tandis qu'il continuait les affaires à Paris,
son fils Théodore Simon Gando s'établit en {8i8 à Bruxelles comme fon-
deur de caractères.
Au commencement, cette fonderie bruxelloise avait sans doute peu d'im-
portance, car les assortiments furent fondus à l'aide des matrices que le père
fournit au fils.
Après le décès de Pierre Nicolas l'inventaire fut transporté à Bruxelles,
et hélas les anciennes matrices vendues comme vieux cuivre à l'exception de
quelcjues assortiments.
C'était pourcpioi , lorsque la maison Jean Enschedé et fils achetcdt en i83y
la fonderie entière, on ne trouvait que des assortiments de date plus récente
que la Révolution Française , à l'exception de deux assortiments grecs,
provenant de Lamesle.
Il serait chose diffcile de se faire une bonne idée du matériel, que la
fonderie de Gando possédait pendant les périodes différentes.
Le premier spécimen de caractères que nous connaissons, fut imprimé en
iy45 sous le titre de „Epreuve des caractères de la Fonderie de Nicolas
Gando. A Paris, Cloistre Saint Julien le Pauvre, près la Rue Galande'\
Il n'y a pas de préface et le texte, qu'on a choisi pour les 48 différents
types romains et itcdiques, ainsi que pour les f 5 lettres doubles est sans va-
leur pour nous, ne contenant aucune particularité, concernant l'histoire de
l'établissement .
A ce spécimen de caractères en a ajouté une série de fleurons bien
remarquxxble, intitulée: „Recueil d'ornements , qui comprennent les différentes
combinaisons des Vignettes de la Fonderie de N. Gando. Précédé d'une Table
de ces mêmes Vignettes, qui fcdt connaître sur le champ leur quantité et leur
figure et s'éclaircit sur l'usage qu'on en a fait dans ce Recueil.
Le cadre de ce Titre sert ici comme de Préliminaire à ce genre d'ou-
vrage. fy45'\
La Table, qui suit alors, montre en / o corps / 07 différentes Vignettes,
montrant à 22 pages les compositions les plus compliquées. Tout cela est
bien intéressant pour faille connaître le goût de ces temps, mais il nous
laisse dans F ignorance quant au graveur, par lequel les poinçons ont
été gravés.
Quelques feuilles volantes avec des types nouvelles nous informent
qu'elles ont été gravées par Gando le jeune. Rue Saint Jacques, qui n'est
autre que Piéride François Gando, le fils de Nicolas.
Le matériel a reçu une grande augmentation en i-jbS à cause de V achat
de la fonderie de Claude Lamesle, qui exerçait son industrie d'abord Rue
Galande près de ki Place Maubert, et plus tard dans une rue voisine pi'ès
de la même place.
Cette fonderie, établie par Lamesle, avait acJieté en lySy l' inventaire de
rétablissement de Cot et en même temps augmenté énormément son inventaire.
Jean Cot s'établit en iSyo à Parais comme fondeur de caractères et ache-
tait plusieurs établissements qui ne pouvaient soutenir la lutte pour l'existence.
Son fils Pierre lui succédait et lorsque le père mourut, la mère fut associée
aux affairées.
Encore bien jeune Pierre mourut, et sa mère, aidée de ses deux filles
tâclmit de continuer les affaires; mais probablement elle n' avait pas assez de
force et , lorsque Lamesle achetait la fonderie entière, c'était pour elle un
bon débarras.
Cinq ans après, en iy42 Lamesle publia une épreuve complète, par la-
quelle cependant nous ne saurons découvrir, quel matériel descendait de
Lamesle ou de Cot , ce qui est peu important, puisque, comme nous l'avons
déjà dit, presque tout le matériel s'est perdu.
Seulement les deux assortiments grecs nous sont restés, un petit texte et un
cicéro et en jugeant d'après la gravure, nous les comptons parmi les types du
dix-septième siècle et par conséquent sortant de la fonderie de Jean Cot.
Gando , ayant acheté la fonderie de Lamesle en ^y58, Lajnesle est parti
pour Avignon et dès lors on l'a perdu de vue.
Après avoir constaté que Pierre François Gando était un graveur renowr-
mé, nous savons la même chose de son fils Nicolas Pierre. Ambroise Firmin
Didot nous raconte dans son article bien connu sur la Typographie dans
l'Encyclopédie qu'en iySg la fonderie de Gando „était en grande activité" ;
de sorte que nous pouvons bien supposer que dans ces jours on s'y occupait de la
gravure de types selon le dernier goût.
Bien que ces types en grande partie soient gravés par le propriétaire de la
fonderie, nous pouvons constater que d'autres artistes renommés l'ont assisté.
Nous savons qu'il avait comme assistant A. Ressemer , un Hollandais,
qui d'abord s'était établi comme graveur pour son propre compte à Paris, et
qui plus tard fut attacJié à la fonderie de Gando.
Dans le ^second recueiV de nos ,,épreuves'' nous publions quelques lettres
de Bessemer et de Gando adressées à nos ancêtres, nous donnant une idée
de l'activité de l'un et de l'autre.
Les nouveaux assortiments étant prêts , Gando fit paraître un spécimen ,
dont nous possédons un exemplaire, lequel exemplaire nous avons réimprimé
sous le titre de „premier recueil".
Les deux assortiments grecs, cités plus haut , y sont ajoutés. D'un double
canon romain et italique et d'un parangon ronde manquent les matrices,
étant déjà perdues du temps de l'achat par Jean Enschedé et fils en / 83-j .
Un petit romain italique, un grand romain italique et quelques Vignettes
sont encore ajoutés par nous à ce recueil, puis que nos archives nous apprennent
qu'au commencement du ig^^ siècle ces types appartenaient à la fonderie
de Gando.
Après que cette „épreuve" eut été imprimée, probablement en iSio , l'inven-
taire de matrices fut bien agrandi, mais pour autant que nous savons , un
nouveau spécimen n'a jamais été publié.
Nous avons inséré ces assortiments dans notre spécimen sous le titre de
„second recueil" et nous y avons ajouté quelques Vignettes en vente dans
cette fonderie, comme nous lisons dans une lettre de Gando à notre maison.
Comme „premier recueil" de la fonderie bruxelloise on trouve tout ce que
Tliéodore Simon plus tard avait acquis, les poinçons ayant peut-être été
gravés par lui-même, mais ayant recours aux graveurs belges Istastoule
et Henri Villeneuve et aussi aux graveurs français Veyrat et Dallut. Le
„recueil" est complété avec quelques assortiments, que ces graveurs nous ont
fournis directement. A la fin se trouve un „second recueil" d'assortiments ,
fournis par Lombardat et d'autres qu'on ne trouve pas dans les épreuves
de ce dernier Gando.
Nous n'avons pas à critiquer la valeur artistique du matériel de cette fon-
derie, mais nous supposons d'avoir fait un travail utile par la composition
de cette „épreuve" , parce qu'elle nous permet de nous faire une idée de l'inven-
taire d'une des fonderies les plus considérables de la France pendant une
période d'un demi-siècle.
EPREUVES
DES CARACTÈRES
DE LA FONDERIE
DE N. P. GANDO,
GRAVEUR ET FONDEUR.
PREMIER RECUEIL.
A PARIS,
Rue des Maçons, N". 21
ROMAINS ET ITALIQUES.
NOMPAREILLE.
Une femme fort pauvre, mais qui avoit la consolation d'avoir une fille aimable, et
dont les grâces modestes annonçoient la sagesse, se présenta avec cette jeune personne
à l'audience du célèbre cardinal Famèse. Elle lui exposa qu'elle étoit sur le point
d'être renvoyée, avec sa fille, d'un petit appartement qu'elles occupoient chez un
homme fort riche, parce qu'elles ne pouvaient lui payer cinq sequins qui lui étoient
dus. Le ton d'honnêteté avec lequel elle faisoit connoftre son malheur, fit aisément
comprendre au cardinal qu'elle n'y etoit tombée, que parce que la vertu lui étoit plus
chère que les richesses. Il écrivit un mandat et la chargea de le porter à son intendant.
Celui-ci, après l'avoir ouvert, compta sur-le-champ cinquante sequins. Monsieur,
lui dit cette femme, je ne demandois pas tant à monseigneur, et certainement il s'est
trompé. Il fallut, pour làire cesser la contestation, que l'intendant allât lui-même
parler au cardinal. Son éminence, en reprenant son mandat, dit aux deux personnes
qui étoient présentes : "Vous avez tous i-aisons, je m'étois trompé, le procédé de ma-
dame le prouve , et au lieu de cinquante sequins il en écrivit cinq cents , qu'il engagea
la vertueuse mère d'accepter pour marier sa fille.
NOMPAREILLE ITALIQUE.
Henri de Lorraine , duc de Guise, surnommé le Balafré , avoit gagné au jeu
cent mille livres à M. d'O, surintendant des finances, qui le lendemain lui en-
voya soixante et dix mille livres en argent , et dix mille écus en or renfermés dans
un sac de cuir. Le duc croyant que ce sac ne contenoit que de l'argent hlanc , le
donna par gratification au commis nommé Lavienne qui lui porta la somme. Ce
commis , qui ignorait lui-même ce que ce sac pouvait contenir , n'osa le refuser .
MIGNONNE.
On a e-xécuté , à Prague , un jeune homme pour un crime d'une nature extraor-
dinaire, on ne conçoit même pas aisément comment il a été commis. Il s'agit d'un
rapt dont on ne connoit aucune circonstance que d'après la confession du coupable.
Or, voici ce qu'il a déclaré. Epris d'une passion violente pour une demoiselle de
cette ville extrêmement bien née, aussi vertueuse que belle, il a long-temps mé-
dité les moyens de la satisfaire. Il portoit en conséquence, sur lui, un petit flacon
rempli d'une certaine liqueur qu'il appelle un philtre, dont il n'a jamais voulu
révéler la composition, et dont on va connoitre l'effet. Il y avoit plusieurs mois
qu'il guettoit en vain l'occasion d'en faire usage. Enfin, se trouvant un jour dans
une assemblée avec la demoiselle, elle sentit un accès de migraine dont elle se
plaignit. L'officieux jeune homme lui proposa du café qui fut accepté, et avant de
le présenter, il trouva le moyen d'y jeter quelques gouttes de sa liqueur.
MIGNONNE I T A LI qUE.
Granius, Romain , pendant la guerre civile de César et de Pompée, fut
fait prisonnier par Scipion , qui lui promit la vie, s'il voulait quitter le parti
de César. Les soldats de César, répondit Granius, donnent la vie aux au-
tres, et ne la reçoivent de personne; et aussitôt il s'enfonça un poignard
dans le sein. La véritable politesse consiste à marquer de la bienveillance
aux hommes.
PETIT TEXTE.
N". I.
On a loué l'adresse avec laquelle le jeune Papirius sut dérober son
secret aux pressantes sollicitations d'une mère qui le chérissoit. Son
père, sénateur de Rome , l'avoit un jour mené au sénat, où l'on déli-
béroit des affaires les plus importantes. A son retour , sa mère lui de-
manda ce qui s'étoit passé au sénat. Le jeune Papirius lui répondit
qu'il avoit été défendu d'en parler. Cette réponse , comme on le pense
bien, ne fit qu'augmenter la curiosité de cette femme: elle employa
les moyens les plus pressans pour obtenir ce qu'elle desiroit. Son fils ,
vivement pressé , crut devoir la satisfaire par un mensonge adroit. Il
lui dit qu'on avoit délibéré s'il seroit plus utile à la république de don-
ner deux femmes à un mari , que d'accorder deux maris à \xne femme.
L'épouse du sénateur, inquiète sur cette prétendue délibération, cou-
rut aussitôt communiquer ses craintes aux autres dames romaines. Le
lendemain elles se présentèrent à la porte du sénat , dirent tout liant
qu'il falloit plutôt donner deux maris à une femme, et qu'on ne devoit
rien conclure sans les entendre. Les sénateurs ne comprenant rien
aux demandes de ces femmes attrovipées , le jeune Papirius les tira de
peine , en leur racontant de quelle manière il avoit fallu éluder la cu-
riosité de sa mère. On loua sa prudence ; mais il fut résolu qu'à l'avenir
aucun jeune homme n'auroit l'entrée du sénat , excepté le jeune Papi-
rius. C'est un dépôt bien dangereux pour un sujet , que le secret de son
maître. Aussi le poète Pliilipide , favori de Lysimacus , un des succes-
seurs d' Alexandre-le-Grand , interrogé par son prince sur ce qu'il desi-
roit le plus : Tout ce qu'il vous plaira , seigneur , lui dit-il , à la réserve
de votre secret.
PETIT TEXTE ITALIQUE.
Un homme de finances jouoit mille pistoles aupiquet, en une partie,
avec un seigneur de la cour. Celui-ci jugea qu'ilpoupoit le faire capot
et le gagner, s'il lui persuadoit qu'il avoit trois valets, dont cependant
il en avoit écarté un. Il compte le point et le reste de son jeu jusqu'à
vingt ; et, après avoir rêvé un moment, il jette sa première carte, et
compte vingt-trois. Son adversaire lui demande, comment il les compte.
Le courtisan recommence à compter son jeu, et ajoute trois valets. Le
renard sait beaucoup; muis une femme amoureuse en sait davantage.
La santé du corps est le pavot de l'ame.
225.
PETIT TEXTE.
N°. IL
Sëyille, la capitale de l'Andalousie, et une des principales villes de
l'Espagne, s'est autrefois signalée par les intrigues amoureuses de deux
personnes qui font le sujet de cette histoire. Rodrigue étoit le nom de
l'amant, et Isabelle celui de l'amante. Rodrigue étoit un jeune gentil-
homme qui servoit, en qualité de page , un des premiers Marquis de la
ville; et Isabelle étoit une demoiselle de quinze ans, parente de la
Marquise , qui l'avoit prise par amitié auprès d'elle. Rodrigue , qui en
devint éperduement amoureux, prit son temps pour lui faire sa décla-
ration d'amour. Isabelle l'écouta, et lui fit même une réponse favorable :
ils s'aimèrent tant, qu'ils n'étoient plus qu'un cœur et qu'une ame.
Leur amour fut su de toute la maison , et on n'y parloit d'autre chose
que des amours de Rodrigue et d'Isabelle. Isabelle en fut avertie par
une demoiselle de ses amies, qui lui dit que la chose étoit venue aux
oreilles du Marquis et de la Marquise. Cette nouvelle affligea beaucoup
Isabelle , qui la pria de lui donner quelque bon conseil. Ce n'est pas un
crime, lui dit la demoiselle, d'avoir quelque intrigue amoureuse avec
un gentilhomme, cela n'est que fort ordinaire, et pourvu que l'on ait
soin de conserver son honneur, une demoiselle en est bien plus esti-
mée : ainsi , je ne vois pas que vous ayiez aucun sujet de vous affliger, à
moins que ce ne soit de l'avis que je m'en vais vous donner. C'est que,
pour fermer la bouche à tout le monde , il faut qvie votre amant , sans
faire semblant qu'il se doute de rien , demande son congé à monsieur
le Marquis et à madame la Marquise, sous prétexte de faire un voyage.
Il est en âge, poursuivit-elle , de souffi-ir la fatigue ; qu'il s'en aille pour
quelque temps à Madrid.
PETIT TEXTE ITALIQUE.
Un militaire , qui depuis plus de dix ans avoit quitté le lieu de sa
naissance , y revint pour voir sa famille. Les choses étant changées
pendant son absence, il ne put trouver la nouvelle demeure de son père.
La première maison ou il entra fut celle de sa marraine , qui ne le re-
connut qu'après une longue conversation y ce qui lui donrui l'idée de ne
point se faire connoitre de sa famille. Après qu'on lui eut indiqué la
nouvelle demeure de ses parens , il s'y rend, demande à coucher , et
remet à son hôte vingt louis, en le priant de lui garder cet te somme jus-
qu'au lendemain.
^''\ i-4. i438.
PETIT TEXTE.
N°. III.
A Valladolid , ville célèbre de la Castille vieille , en Espagne , il y avoit
autrefois une fameuse courtisane qui s'appeloit Laure. Elle étoit d'une
humeur enjouée , et tout-à-fait agréable. Après avoir amassé quelque bien
parmi les nobles de la ville, elle s'attacha uniquement à un jeune cava-
lier, nommé Don Fernandès. Il étoit très-bien fait, et brave , mais abso-
lument dénué de fortune. Il ne laissa pas pourtant de s'adresser à Laure ,
sachant qu'elle avoit l'ame noble , et qu'elle étoit d'humeur à préférer un
honnête homme sans richesses , à un homme riche sans esprit ou sans
honneur. Il réussit dans son entreprise , et Laure fut si charmée de sa
personne , qu'elle abandonna tous les autres amans. Ils vécurent ensemble
avec assez de profusion , tant que le bien de Laure dura ; mais enfin la
nécessité lui fit ouvrir les yeux , et reconnoître son erreur. L' Alcadil-
Major de la ville (c'est le juge suprême sous l'autorité du roi) étoit amou-
reux de Laure. Il lui envoyoit des présens , et la sollicitoit par toutes sortes
de voies de se rendre à la passion qu'il avoit pour elle. Laure lui faisoit
entendre qu'elle ne pou voit s'y résoudre à cause de Don Fernandès , qu'elle
craignoit extrêmement ; mais que si Don Fernandès alloit faire quelque
voyage , elle se donneroit toute entière à lui. Elle amusa de cette manière ,
pendant quelque temps, ce juge dont elle recevoit de nouveaux présens.
Enfin les affaires de Fernandès l'appelèrent à Madrid , où il devoit rester
deux ou trois mois. Avant que de partir, il pria Laure de lui ètrefidelle,
et menaça de la maltraiter, s'il apprenoit, à son retour, qu'elle se fût
émancipée. Laure lui fit espérer que sa conduite ne lui donneroit jamais
sujet de se plaindre d'elle. Sur cette assurance il partit. Après son départ,
Laure se vit d'abord courtisée par plusieurs galans.
PETIT TEXTE ITALIQUE.
Le célèbre abbé Prévost soupoit un jour avec quelques amis intimes,
pareillement hommes de lettres. Après qu'on eut épuisé lapolitique, la
littérature , l'histoire du jour , la conversation tomba insensiblement
sur la morale. Un des convives avança que le plus honnête homme ne
pouvoit répondre de ne jamais subir les supplices réservés aux crimi-
nels : ajoutez, dit l'abbé Prévost, ni même de les mériter. Chacun se
récria sur cette dernière assertion. Oui, messieurs, reprit l'abbe,je
vous soutiens qu'on peut très-bien avec unbon cœur, une ame droite,
avoir le malheur de commettre un crime qui conduise à l'échafaud.
N"^. 1.10. 221.
p. TEXTE G. OEIL.
L'usure a été proscrite dans presque tous les gouvememens ,
ou du moins parmi les nations sagement administre'es , par
rapport aux inconveniens qu'elle entraîne et qui sont ve'rita-
blement très -funestes. Elle diminue le nombre des marchands,
elle les rend tous communément pauvres , parce qu'on ne peut
commercer avec commodité et profit si on empninte à de gros
intérêts. Un troisième inconvénient, qui est comme attaché
aux. deux premiers, c'est la diminution dans le produit des
douanes.
Comme les diam,ans ne se polissent que par d'autres dia-
mans, aussi les esprits ne peuuent arriver à la perfection que
par la fréquentation d'autres esprits qui les épurent, car on
ne peut voir des hommes vertueux et sauans , sans retirer de
grands avantages dans leur compagnie. I TA L I Q U E.
GAILLARDE.
Un homme absolument méchant, s'il en existe dans la
nature, n'est point ému par le spectacle du malheur ou du
bien être de l'humanité : tous ces sentimens doivent être
renversés et entièrement opposés à ceux des autres hom-
mes. L'intérêt que l'on prend au bonheur de ses semblables
est accompagné d'un sentiment très délicat des distinctions
morales, d'un éloignement pour l'injustice et d'une appro-
bation prompte des actions équitables. Tout ce qui peut
contribuer au bonheur de l'humanité, excite dans l'ame de
l'homme méchant un mécontentement qui lui fait considé-
rer complaisamment la cause des malheurs de la société.
On n'a peut-être pas encore rencontré un homme parfai-
tement méchant, ou qui le fut gratuitement et sans motif:
un homme qui se promène avec une personne qui a la
goutte, ne lui marchera exprès sur le pied douloureux.
Peu de personnes font attention à une vertu ahassiée
sous le poids de l'humiliation et de la pauvreté . Si par ha-
zard elle perce les ténèbres qui l'environnent, on se contente
d'une froide louange , et on lui donne rarement des mar-
ques sensibles de son estime. ITALIQUE.
N°s. 222. 223. 280. i434.
PETIT ROMAIN.
N". I.
Les Grecs, tout Grecs qu'ils sont, ont quelquefois été pris
pour dupes. Trois de ces messieurs logeoient dans une même
auberge avec un j eune Provincial venu à Paris pour recueillir
une riclie succession. Ils résolurent de clianger les intentions
du testateur, en s'appropriant une partie de cet héritage. Un
soir ils proposèrent à cet efiPet, au Provincial, de jouer. Ce-
lui-ci, qui avoit des affaires pressantes pour le moment, de-
manda que la partie fut remise au lendemain, ce qui fut ac-
cepté de bon cœLU- de la part des Grecs. Ils s'assemblèrent
même une heure avant le temps marqué pour le rendez- vous
dans la chambre ou étoit dressée la table du jeu, et déhbé-
rèrent de quelle manière ils gagneroient le Provincial. Il fut
décidé qu'on joueroit au lansquenet, et que, pour écarter
tout soupçon, on lui laisserait gagner, au commencement,
cent louis ; ils avoient d'ailleurs éprouvé que les dupes se
livi'ent toujours au jeu avec plus d'ardeur par cet appât.
Le projet étoit bien concerté, et ne pou voit manquer de réus-
sir, si le Provincial, qui étoit rentré dans l'auberge sans qu'on
le soupsonnat, n'eut entendu cette conversation d'une cham-
bre voisine.
PETIT ROMAIN ITALIQUE.
Un jeune ecclésiastique , auquel on pouvait reproclier
une prononciation affectée , et des gestes maniérés ^ prê-
chait dans une ville de province. S'étant ti^ouvé le lende-
main chez le président de la juridiction , il se plaignit
de ce que les officiers de cette juridiction avoient quitté
son sermon pour aller à la comédie. Ces gens , répondit
le président , sont de bien mauvais goût , de vous quitter
pour des comédiens de campagne.
282. i4()5.
PETIT ROMAIN ITALIQUE.
Je me souviens de cet instant plein de Joie et de trouble où
Je sentis, pour la première fois, ma singulière existence: Je ne
savois ce que J'étois, ou J'étois, d'où Je venais. J'ouvris les
yeux: quel surcroît de sensation! la lumière, la voûte céleste,
la verdure de la terre, le cristal des eaux, tout m'occupoit ,
m'animoit, et me donnait un sentiment inexprimable déplaisir.
Je crus d'abord que tous ces objets étaient en mai, et faisaient
partie de moi-même. Je m'affermissais dans cette pensée nais-
sante, lorsque Je tournai les yeux vers l'astre de la lumière ,
son éclat me blessa ; Je fermai involontairement la paupière ,
et Je sentis une légère douleur. Dans ce moment d'obscurité.
Je crus avoir perdu tout mon être.
Affligé, saisi d'étonnement , Je pensais à ce grand cJiange-
ment , quand tout à coup J'entends des sans: le citant des
oiseaux, le murmure des airs, formaient un concert dont la
douce impression me remuait Jusqu'au fond de l' âme ; J' écou-
tai longtemps , et Je me persuadai bientôt que cette liarmonie
était moi.
Attentif, occupé tout entier de ce nouveau genre d'exis-
tence. J'oubliais déjà la lumière , cette autre partie de mon
être que J'avais connue la première , lorsque Je rouvris les
yeux. Quelle Joie de me retrouver en possession de tant d'ob-
jets brillants ! Mon plaisir surpassa tout ce que J'avois senti
la première fois , et suspendit pour un temps le cliarmant
effet des sons.
Je fixai mes regards sur mille objets divers ; Je m'aperçus
bientôt que Je pouvais perdre et retrouver ces objets, et que
J'avois la puissance de détruire et de reproduire à mon gré
cette belle partie de mai-même ; et, quoiqu'elle me parût im-
mense en grandeur, et par la quantité des accidents de lu-
mière, et par la variété des couleurs , Je crus reconnaître que
tout était contenu dans une portion de mon être.
N". a83. Cet assortiment ne se trouve pas dans le spéciujcn de Gando.
PETIT ROMAIN.
N°. II.
Le projet e'tait bien concerte', et ne pouvoit manquer de
re'iissir, si le Provincial, qui e'tait rentre' dans l'auberge sans
qu'on le soupçonnât, n'eut entendu cette conversation d'une
chambre voisine. Il dressa, en conse'quence , sa contre-
partie. Une demi-lieure après, il se rendit dans la salle,
se mit au jeu; et lorsqu'il eut gagné les cent louis, son la-
quais , qui était averti , vint lui dire , dans le moment , qu'une
personne vouloit lui parler. Il sortit, et alla loger ailleurs.
Les Grecs n'en ont pas été quittes à si bon marché. Un
d'eux jouoit au piquet avec un vieux capitaine de cavale-
rie, dans une ville de province, et le fdoutoit sans user de
beaucoup d'adresse. Toutes les fois qu'il vouloit avoir beau
jeu , il mouchoit d'une main la chandelle , et de l'autre es-
camotoit le talon. L'ancien militaire , n'étoit pas dupe , s'é-
tant aperçu deux ou trois fois de cette manœuvre, lui dit,
en s'arretant et posant ses cartes sur la table: Monsieur, je
remarque que toutes les fois que vous mouchez la chandelle,
je n'ai point d'as. Je vous serois obligé de vouloir bien vous
dispenser de prendre tant de peine; car j'aime encore mieux
n'y voir pas si clair, et avoir des yeux moins louches.
PETIT ROMAIN ITALIQUE.
Beautru , étant en Espagne, alla visiter la fameuse
bibliothèque de l'Escurial, où il trouva un bibliothécaire
fort ignorant. Le roi d'Espagne l'interrogea sur cette
bibliothèque. Elle est très -belle , dit-il, ?nais votive majesté
deproit donner à celui qui en a le soin Vadministi^ation
de ses finances. Et pourquoi , dit le prince? C'est, reprit
Beautru , que cet homme ne touche point au dépôt qui lui
est confié.
No\ .98. 299.
PETIT ROMAIN.
N°. I I I.
Un homme étoit monté au plus haut du clocher d'une
église pour y raccommoder quelque chose. Il eut le mal-
heur de tomber en bas ; mais en même- temps il fut assez
heureux pour ne se faire aucun mal , et sa chute ne devint
funeste qu'à un homme qu'il écrasa en tombant. Les parens
de cet homme attaquèrent en justice celui qui étoit tombé
du clocher, l'accusant de meurtre, et prétendant le faire
condamner, sinon à la mort, du moins à de forts dommages
et intérêts. L'affaire fut plaidée. Il falloit accorder quelque
satisfaction aux parens du mort. D'un autre coté, les juges
ne pouvoient punir un crime dont un accident malheu-
reux étoit la seule cause. Il fut ordonné à celui qui deman-
doit vengeance, de monter au haut du clocher, et de se
laisser tomber sur celui qu'il poursuivoit , lequel é toi t obligé
de se trouver précisément au-dessous de la même place ou
le défunt avoi t perdu la vie. Un j ugement pareil fut la fin du
procès. Un marchand Turc avoit perdu sa bourse qui conte-
noit deux cents pièces d'or. Il s'adressa au crieur public, à qui
il ordonna de déclarer qu'il donneroit la moi tiède la somme
à celui qui l'auroit trouvée.
PETIT ROMAIN ITALIQUE,
Un paysan étoit allé trouver un avocat pour le consulter
sur une affaire. Il avoit son argent à la main , et paroissoit
désirer que la consultation favorisât ses prétentions. L'a-
vocat pensa, avec raison, qu'il n' étoit pas de son devoir
d'user de cette complaisance ; et pour l'intérêt même de
celui qui le consultoit , il lui dit que sa cause n' étoit pas
soutenahle.
N"\ 149G. 1497
PETIT ROMAIN OEIL DE PHILOSOPHIE.
N°. IV.
Pendant tout le carnaval, il se fit dans cette maison plu-
sieurs petites parties de divertissement, ou n'ëtoient admis
que les jeimes cavaliers et les demoiselles de la famiUe, qui
e'toient les personnes les plus distinguées de toute la ville.
Celui qui brrlloit le plus parmi les jeunes gens qui y ve-
noient passer presque toutes les soirées, e'toit Aldobrandin,
ne' d'une des plus illustres maisons de toute ITtalie. Il avoit,
outre les agi^e'mens du corps, ime vivacité' d'esprit et un
enjouement dans Fhumeur qui le rendoient les délices de
la socie'te'. Il soutenoit d'ordinaire qu'il y avoit infiniment
plus de plaisir a cajoler les suivantes, qu'a faire la cour a
leurs maitresses. Il appuyoit cette opinion par mille raisons
boufonnes qui ne laissoient pas d'avoir quelque espèce de
solidité', et il confinnoit, par sa conduite, ce qu'il prouvoit
par ses argumens badins. Sa tendresse pour ces sortes de
personnes n'étoit d'ordinaire qu'im badinage, mais a peine
eut-il vu Octavie, qu'il l'aima se'rieusement. Il fit des excla-
mations sur sa beauté' qui firent rire la compagnie, et qui
arrachèrent a Octavie de petits sourires pleins de finesse
qui augmentoient ses charmes, et qui donnoient bonne opi-
nion de son esprit. Un soir que la dame du logis donnoit a
ses parens im souper suivi d'un petit bal , Aldobrandin prit
Octavie pom- danser le plus souvent qu'il lui fiit possible ,
et distrait et silencieux pour tout autre, il ne chercha que
l'occasion de parler a cette pre'tendue suivante: il lui dit
mille douceurs, qu'elle reçut toutes comme des eÔets de
son hiuneur enjouée, et ou elle ne répondit qu'en badinant:
il en e'toit enrage, et il souhaitoit de n'avoir badine de sa
vie, pour pouvoir persuader qu'il parloit alors se'rieusement;
mais il eut beau faire, il ne put re'ussir a faire changer
Octavie de ton.
NO. 366.
CICERO ROMAIN.
r. I.
Spartacus, esclave, jeté parmi ces infortunés des-
tinés à périr pour amuser ces féroces Romains, qui
faisoient servir les hommes à leur barbare plaisir,
conçut le dessein d'affranchir toute l'Italie; il brisa
ses fers et ceux de ses compagnons d'esclavage. Avant
notre ère, il se retira sur le mont Cervisius; là, il
voulut d'abord renvoyer ses soldats dans leur patrie,
en disant que c'étoit assez pour lui d'avoir rendu la
liberté à tant de misérables. Mais tous pleuroient des
frères et des amis: ils restèrent, et Spartacus, plein
tout-à-coup de l'idée de venger l'univers opprimé
par les Romains, résolut de se servir de leurs bras
pour écraser les tyrans du monde, ou de mourir libre.
Trois fois il battit complètement les Romains ; mais
enfin il tomba percé de mille coups sur un monceau
d'ennemis immolés à sa vengeance.
CICÉRO ITALIQUE.
Considérez les dlfférens états de la vie où la
naissance et Véducation peuvent vous destiner,
et consultez votre génie aidant d^en embrasser
aucun. Ce qui perd un homme, et pour sa for-
tune et pour sa réputation, c'est de se Jeter dans
une profession qui ne lui convient pas.
N"s. 4o2.
igS.
CICERO ROMAIN. '
N°. IL
Vers la fin du quinzième siècle, il y ayoit en Sicile
un fameux plongeur qui s'appeloit Nicolas. On lui
avoit donné le surnom de Pescecola, comme qui di-
roit Nicolas le Poisson. Il s'étoit accoutumé dès sa
plus tendre jeunesse à pêcher des huîtres et du corail
au fond de la mer, et demeuroit quelquefois quatre
ou cinq jours dans l'eau, n'y vivant que de poisson
cru. Comme il nageoit parfaitement, il lui arrivoit
souvent de passer à File de Liparo , et d'y porter des
lettres enfermées dans un sac de cuir. Frédéric, roi
de Sicile , instruit de la force et de l'adresse de Pes-
cecola, lui ordonna de plonger dans le gouffre de
Caribde, proche du promontoire il Capo di Paro,
pour reconnoître la disposition de ce lieu. Comme
le prince remarqua que Nicolas avoit de la peine à
faire un essai si dangereux.
CICÉRO ITALIQUE.
Un père açoit ses raisons pour ne pas exagérer
devant sa fille le bonheur du mariage. Celle qui
prend mari, lui disoit-il y fait hien^ mais fait
mieux celle qui n'en prend pas. Mon père^ ré-
pondit la doucette , faisons bien ^ fera mieux qui
pourra.
N°'. 4o4. 4o5. Gravé par A. Bessemer.
CICERO ROMAIN.
N°. III.
Le duc de Roquelaure n'ëtoit pas beau. Un jour
ce seigneur rencontrant un Auvergnat fort laid , qui
avoit des affaires à Versailles ; il le présenta lui-
même à Louis XIV, en lui disant qu'il avoit les
plus grandes obligations à ce gentilhomme. Le roi
voulut bien accorder la grâce qui lui étoit demande'e ,
et s'informa du duc quelles étoient les oljligations
qu'il devoit à cet homme. Ah! sire, répartit M. de
Roquelaure, sans ce magot-là, je serois l'homme le
plus laid de votre royaume. Le roi sourit à cette
saillie; et l'Auvergnat, en homme d'esprit, ne fit
pas semblant d^y prêter attention , et ne parut occupé
que de sa reconnoissance. Racine aimoit la Chan-
meslé. Le comte de Tonnerre le supplanta dans le
cœur de cette comédienne. Quelqu'un dit à ce sujet:
Que le tonnerre l 'avoit déracinée.
CICERO ITALIQUE,
Une très-belle femme qui n' avoit point d^enfans,
et qui ne croyoit pas que ce fût sa faute, ayant
un Jour un beau diamant au doigt: a Koilà, lui
(( dit son mari f un diamant merveilleux , mais
{( fort mal mis en œuvre. Il n'est pas le seul ,
(( repondit -elle avec un sourire malin. »
N"\ i4Go. i4Gi
C I C É R O ROMAIN.
V. lY.
Le caractère sombre et impitoyable des Espa-
gnols, Tainqueurs des Indiens en Amérique, a voit
rendu à ces derniers le nom Espagnol un ol^jet
d'exécration. Le cacique Hatvey, celui des insu-
laiiTS de Tile de Cuba qui avoit fait les plus gi^ands
efforts pour défendis sa liberté , ayant été vaincu
et pris , fut condanmé à être iDrùlé vif. Lorsque ce
prince mallieiueux fut attaché au poteau où il de-
voit expii^er, lui missioimaiiT Texliorta à se faii^e
cluTtien, et l'assiu^a que son changement de reh-
gion lui prociuTra le paracUs. Dans le paradis , dont
vous me faites une si belle peint lu^e, y a-t-il des
Espagnols , demande le cacique? Oui , sans doute ,
répond le rehgieux, mais il n'y en a que de bons.
Le meilleur ne vaut rien, réphqua Hatvey : je ne
puis me résouch^ à aller dans un heu où j'aïuois à
craindiT d'en trouver un seul.
CICÉRO ITALIQUE.
Le père Cotton , jésuite, étoit fin et rusé; il
avoit pris un grand ascendant sur Henri IV ,
ce qui donna lieu à cette pointe. Xotre j^oi est un
bon prince , il aime la vérité ; c'est dommage
qu'il ait du coton dans les oreilles.
'%■
CICERO ROMAIN.
N°. V.
Deux Arcadiens, amis intimes, voyageant en-
semble, arrivèrent à Mégare, et allèrent loger
l'un chez son hôte, et l'autre dans une auberge.
Le premier vit en songe son compagnon qui le
conjuroit de venir le sauver des mains de son
aubergiste, qui en vouloit à sa vie, l'assurant
qu'en faisant diligence, il pouvoit encore le
tirer du péril. L'ami, éveillé par cette vision,
saute du lit, et prend le chemin de l'auberge ;
mais, par une malheureuse fatalité, il con-
damne bientôt lui-même cette résolution si
généreuse comme étant inutile, et comptant
pour rien ce qu'il avoit vu, il regagne son lit,
et se rendort. Bientôt il revit son ami couvert
de blessures, lui demander en grâce que, puis-
qu'il avoit négligé de lui sauver la vie, il ne
refusât point de venger sa mort; ajoutant qu'au
moment même ou il parloit, l'aubergiste qui
l'avoit massacré faisoit emporter son cadavre
hors de la ville dans un tombereau couvert de
fumier. Pressé par son ami, d'une manière si
précise, il court vers la porte de la ville, arrête
le tombereau qui lui étoit désigné par le songe,
et fit punir l'aubergiste du dernier supplice.
N". i55G.
SAINT-AUGUSTIN.
N^ I.
Une pimbêche d'importance qui avoit un
procès, étoit venue solliciter, en sa faveur, un
premier président de cour souveraine. Comme
ce magistrat ne lui avoit pas fait l'accueil qu'elle
croyoit lui être du, elle dit en passant dans
l'antichambre, mais assez haut pour être en-
tendue du président : Peste soit du vieux singe !
Le lendemain néanmoins l'affaire fut appelée,
et cette dame gagna son procès. Elle courut
aussitôt remercier le président, qui, pour toute
vengeance, se contenta de lui dire: Sachez,
madame, une autre fois, qu'un vieux singe est
toujours disposé à faire plaisir aux guenons.
On connoit les amis au besoin.
SAINT-AUGUSTIN ITALIQUE.
Un paui^re honteux demandoit V au-
mône à un homme qui n' étoit pas à son
aise. Hélas! mon ami^ lui répondit celui-
ci ^ si vous ne m^ aviez pas prévenu^ f ai-
lois vous faire la même demande.
NOS. 446, 44
SAINT- AUGUSTIN.
N^ IL
Il y a plus de maris qui aiment leurs fem-
mes , que de femmes qui aiment leurs maris ;
et je crois , dit un auteur moderne , en avoir
trouvé la raison dans lamour que tous les
hommes ont en général pour la liberté. Les
femmes dépendent de leurs maris; et les maris
ne dépendent point de leurs femmes. Ajou-
tons à cette pensée , que la plupart des dissen-
tions qui s'élèvent entre un mari et une femme
viennent le plus souvent de ce que celle-ci veut
sortir de l'état de dépendance ou la nature l'a
mise. Une dame vertueuse fut priée par une
autre dame de lui apprendre quels secrets elle
avoit pour se conserver l'amitié de son mari.
SAINT-AUGUSTIN ITALIQUE,
Domiiien donna un festin bien digne
de lui y c est- à- dire du plus indigne des
empereurs et du plus cruel des tyrans. Il
invita tous les principaux des Sénateurs
et des chevaliers romains.
N«s. i5Ga
s AI NT-AUGUSTIN.
N^ IIL
Une veuve vint se plaindre à l'empereur
Théodoric^ de ce qu'ayant depuis trois ans
un procès contre un sénateur, elle n'avoit
pu encore obtenir de jugement. Il fit aussi-
tôt appeler les juges. Si vous ne terminez
demain cette affaire, leur dit-il, je vous ju-
gerai vous mêmes. Le lendemain la sen-
tence fut rendue. La veuve étant venue
remercier le prince, un cierge allumé à la
main, selon la coutume de ce temps-là: Ou
sont les juges, dit Tliéodoric? On les amena
devant lui. Et pourquoi avez-vous pro-
longé pendant trois ans une affaire qui ne
vous a coûté qu'un jour de discussion?
SAINT-AUGUSTIN ITALIQUE.
Un seigneur fort riche fit ^ dans son
testament^ des legs à tous ses officiers^
excepté à son intendant. Je ne lui donne
rien y dit-il ^ parce quil me sert depuis
plus de vingt ans.
N°*. i442. i443.
GROS TEXTE.
On reprochoit à un de nos parasites
modernes 5 qu'il dînoit souvent chez les
autres. Comment voulez- vous que je
fasse 5 répondit-il^ on m'en presse. Il
est vrai^ repartit quelqu'un^ il n j a
rien de plus pressant que la faim. Ceci
rappelle ce mot de Diogène^ on le re-
prenoit un jour de ce qu'il mangeoit en
plein marché: Je ne l'aurois pas fait^ ré-
pondit le philosophe cjnique, si la faim
ne m'eut pris dans ce même lieu. On
voit^ dans Diodore de Sinope^ que les
Bardes des Celtes^ qui étoient les poètes
de nos anciens Graulois, les suivoient à
la guerre pour décrire leurs actions hé-
roïques^ et qu'on les appeloit par hon-
neur leurs parasites.
IN". 48o.
GROS ROMAIN.
N^ L
Un jeune Egyptien, épris d'amour
pour la courtisane Théognide, rêva,
une nuit, qu'il couchoit avec elle, et
sentit, à son réveil, sa passion refroi-
die. La courtisane l'ayant su, le fit
appeler en justice, et lui demande sa
récompense, puisqu'elle avoit guéri
sa passion et satisfait son désir. Le juge
ordonna que le jeune homme appor-
teroit dans une bourse la somme pro-
mise j qu'il la jetteroit dans un bassin,
et que la courtisane se paieroit du son
et de la couleur des pièces, comme
l'Egyptien s'étoit contenté d'un plai-
sir imaginaire. Ce jugement fut ap-
prouvé de tout le monde.
GROS ROMAIN ITALIQUE.
Un homme de finances jouoit mille
pis tôles au piquet^ en une partie^
avec un seigneur de la cour. Celui-ci
jugea qu il pouvoit le faire capot et
le gagner ^ s^il lui persuadoit quil
avoit trois valets ^ dont cependant il
en avoit écarté un. Il compte le point
et le reste de son jeu jusquà vingt;
et^ après avoir rêj^é un moment^ il
jette sa première carte ^ et compte
vingt-trois. Son adi^ersaire lui de-
mande ^ comment il les compte. Le
courtisan recommence à compter son
jeu ^ et ajoute trois valets. Le renard
sait beaucoup ; mais une femme
amoureuse en sait davantage.
N". 4j5. Cet assorliiueut ne se trouve pas dans le spécimen de Gando.
GROS ROMAIN.
W. IL
On désigne communément par
ce terme , une pensée qui surprend
par Fabus des expressions. Elle dif=
fère du bon mot, proprement dit,
en ce que celui=ci joue sur la pensée ;
au lieu que la pointe joue sur le mot.
Comme ces sortes de plaisanteries
roulent ordinairement sur des rap-
ports faux, il arrive presque tou-
jours que ceux qui courent après
ont communément Tesprit faux au-
tant que superficiel. Au reste, ce
mot pointe est ici pris ironiquement;
car, pour continuer la métaphore,
il n'y a rien de si plat que toutes ces
pointes que Ton donne pour telles.
N'o. 4-i.
PETIT PARANGON.
Un paysan alla consulter un
avocat sur une afFaire. L'avocat,
après l'avoir examinée , lui dit
qu'il trouvoit sa cause bonne.
Le paysan paya l'avocat de sa
consultation 5 et lui demanda:
Monsieur, a présent que vous
êtes payé, dites-moi sincère-
ment, trouvez-vous encore mon
afFaire bonne.
ITALIQ UE.
Le goût du jeu^ fruit de V a-
varice et de V eiinidy ne prend
que dans un esprit et dans un
cœur vides.
N"\ 492. 4y3.
GROS PARAXGON.
Une feninie «alante disoit
à un ivrogne : Croiriez- vous,
monsieur, que, dejDuis dix
ans que je suis veuve, il ne
m'a 2)as j^ris la moindre pe-
tite démangeaison de ma-
riage.
I TA LIQ LE.
Carlin y en parlant de la
noblesse y disoit: Si Adam s'é~
toit avisé d'à cheter u n e charge
de secrétaire du roi, nous se-
rions tous nobles.
y-\ 5os.
PETIT CANON.
Un poète, reconnu
pour plagiaire, se van-
toit orgueilleusement de
sa prétendue facilité à
faire des vers, et disoit
que les plus longs poè-
mes ne lui coûtoient rien.
ITALIQUE.
Je le crois, répondit
quelqu'un fatigué de
ces propos.
N««. 5i4. 5i5.
GROS CANON.
Avec le temps
etlapatience^on
acquiert les arts
et les sciences.
GROS CANON ITALIQUE.
Ton ami est
malade. Il {at-
tend demain.
N"\ 53 o. 53 1.
LETTRES DE DEUX POINTS.
Deux points de Nompareille.
THEODORE SIMON GANDO
FONDEUR À BRUXELLES
Deux points de Mignonne.
P. FRANÇOIS GANDO
GRAVEUR À PARIS
Deux points de Gaillarde.
JEAN LOUIS GANDO
FONDEUR A BÂLE
Deux points de Petit-Romain.
CLAUDE LAMESLE
FONDEUR k PARIS
No^ i56i. i562. i563. 732.
Deux points de Philosophie.
NICOLAS GANDO
Deux points de Saint-Augustin.
J. COT À PARIS
Deux points de Gros-Texte.
A. BESSEMER
Deux points de Gros-Romain.
N. GANDO
Deux points de Parangon.
PIERRE
N"s. 73 1. 730. 729. i56i. 7:
ECRITURES.
RONDE DE SAINT-AUGUSTIN.
oÇo cjzauii (3oiiblj , patfatii^ ^ej f luitevibiilj ^o
aueùiueéc uoÙ>aîù^ , ^lôoïk. , au etani^ ^evaiii^ utio
pfaco ou, i£. iJ avoii^ utio pafiââatio ol? ^tufeir, i£. jîi^
ptoitiettto cmcjuaiito fouidC/ eu aut ôetoik, aâde%j ^zavtj
pouv Jxxito teuùâiv co coup ^o titain. e!//I:?oiidei-
mieuir, fui^it^ un Joft)ai^ pludL coutaaeux? ciuo ^ci^
auizeéu ^ lo <^oucX^ quitter ^ett. ciiiojuaiito îoxiiâu auzj
^onôu uio ptouiettex^, ôt cyotto ^fteéôo iiio cveuu.
Jaittj Seiaeiix^^tj uioj couipamiio. <îo ^tiuco, ciui
ttouvoj ^o foj aeuetoôtto ^aii<^ co SoÎT^au.
BATARDE DE GROS ROMAIN.
ÇLythaaoraaj côlj iej premietr de(Xj
anciencv qj aaeâ.^ aui aiiL) pricv iej nom
dcj Hmlojophej. (ifi. poridôoii^ au ^emcv
dej S^ar^
otiip
dernietr fèoi. dej fL
omej
eu norf vacv au '^emoj dej SA^mcv y
commej pluôi^euraj tej âé/ùtent^.
N"^ 018
91». 9-29.
COULÉE DE GROS ROMAIN.
Xej petej a um^ 9^ auôaii dej uioutoiiL?. Xej
ÇL audaH' uuu y uv uuii^ y itouvetr iej Cutej y
eu det^Heutcv Hoi^ veute^ eu dcv potfej aj>
I?eut1ev- iouLy oouceiueiif^\ Xej Cutej y uu ai^i^ :
^uej uej veuttiex?-'Vouïû pui/C Jottj : "T a-
voi^ peiiir y dlt-it y dej h^ou^ù téveiuetr. ^u u
a-t-ii- y oii^ lej Cti^tej? QyfboM^ petej dCJ uiou-
toit^ y a LU fej a audan y quaud tej duiïù patti.
RONDE DE GROS ROMAIN.
\Jx) JtauQyp y auoiaiieJ ^Icowcniv ^rj ap-
F
a^evtceJ avec bOY) eviM/CM/ti ^epuiiîc ptU/6ieu^(X.
iwi uwej \}(Xivit> ii^c/tMv. \)r) 6oio autuu bo
t J ta Lien ùj pxii^ vav^eAtihceJ ^ \0 ^elive/tAa^_,
ei^ tut Uiettai44^ iv i30ianax(^ .^liu loo aotao y vD
uietiaçoL) ^i!J it) {ii^Ai y A if iiO ^eulon^ Jjieit.
N"\ 9^8. 91CJ.
I
GRECS
ORIGINAIRES DE LA FONDERIE
DE
CLAUDE LAMESLE.
GREC DE PETIT TEXTE.
TiTcct,xo(noi OTvXiTct,! xcti tTvyifTrfctTtvavro
tTTt /SccaïKice.. hvivd-tv l^iXce.vvii UrûL^fx-ov
tva. Tra.fo.O'xyya.ç -Kivn Itti ■jvvKo.ç tTi?
ILiKtxicLÇ xoLt rîi? 2t/p/'«,ç. i<ra.v Si roÂira.
ivo re/'p^n , xa,i ro fxir 'îtrcoâ-iy ro Trpo
ÇvAaXM, ro Si êÇO) ro Trps rîi? St/p/a.ç 0a.-
Cihluç tf^iyiTO (fiuXccxh (pukXTTîiv. S tcc
ju.iO'ov Si lu nvrcoy Trora-^oç K«pa"os-
OKO^Ût, £lJpOÇ TrXlâ-fdV. «.TTXV Si ro [JiKT^V
T«c riix^" tio-u-v CrxStoi Tfitç' xoLi TrctfiX-
â-ùv oîix ïiv ^icf iv yxf » TTXfaSoç anvii
Kcii roc riixA £'V rliv à-x\a.rrct.v xccâ-ii-
yovra,, VTric^iv «T' »(Tct.v Trsrpa,/ riKt.&xrof
iTTi Si rc7? riîx.^i7iy à/xforepo/ç i<pii<T-
r'nxi<T(/.v TTvXoLt. roLvr^ç îyixa, r',\ç Tra-foSav
Kùpo? rkç ycâJç fji,iri7rîfA-^ccro , 'ItcùùÇ
I-kKitclç a.-KU0i(i'xcrmy litru xa,) «ç« rmy
TTvXÔùy, xoci /iia.O'x/uiyoi rovç TnXi/ijiiovç
TTXfiXâ-otiy, Il ^vXxrroilv irri rxiç ^vfixiç
TTVXa/ç, ç,7r£p uiro Troiitcriiy ô Kùpo? roy
'A^poKo^ac, 'ép^ocT-a ttoX^ OTpartu^a.
'A^pcxo^aa? «î'ê oC Tcùr' ivro'iviO'iy , àxx'
e7r£< )iXoi/(re Kùpoc li' K/X/x/a cera., «ca-
OTpê-sj^a? ex Oo/c/'x*)? Trapà /^xo'ihîx ocTrM-
XAVviy, îx^^f ^^ iXÎyira, rfixxoyrx
/xufixSxç (Tr^xrtxç. ivriv^iy i^iXxvyii Stx
'^iifixç O'ra.d-fjt.oy ivx -rrx^a.O'x'yyxç irivri
lïç Mt/p/itciToe, TToKiy oîxov/xiyny rVo $o/-
yix(i>y î7n r~,\ d-xXxrrri' i/UTrô^ioy S'' h ro
X^p/oc XXI wp^oi/K xvrod-i ôxxxSiç TroXXxi.
lyrxxid-'* ifJiiiyxy ifjxi^xç iirrx' xx) "Eiy'ixç
ô 'Apxaç- <TT^xrnyQç xxi TlxTicuv ô Miyx-
fivç i/ji.,^xyriç £i? TrXoTtK xo,/ rà itXuiTrou
aX,ix ly^'iixivoi XTriTrXiva'xy , w? /x£c ro7ç
TrXmmiç iSôxovy ipiXorifAn^iyriç %ri roii?
O'r^xriurxç xvruy niiç Trapà KXfapp^-OK
ocTTiX^oyrxç ûç kirtoyrxç liç rliy '^XXccSx
TTXXlV xxi oi) Trpoç /ixO'iXix l'ix Kîîpci?
roy KXtXfX''" ÎX^'^' ^^" <^' viiTxy cc<pxyùçy
Sr,\X^i Xoyoç (,ri Siuxoi xvToiiç Kùpo?
7-p/Mp£0"/« XXI 01 fMy Ytiix<'yro ûç SiiXwç
oyrxç xvroi/ç XYi^^]\yxi, o't S'' wxrc/pof
Il ùxurroiyro. Kùpoç Si (rvyxxxicrxç rovç
(Trfxrviyovç ilrriy , ^A7roXiXoÎ7rx(riy iifj.xç
Ziyîxç XXI ITi^cr/ù)»'. aXX* iv yi fxivroi
iiri7TX'T^(,>v 'in oxiri oc7roSiScxxx<riy •
OiSx yXO CTT)) 0/'p^OCra<* OVrl XTTOTl'l^iV-
yxTiy ix^ y°^f rp/«p£<? ùiO'ri iXiiy ro
ixiiyccy TrXoloy kxxx (xx rovç d-ioiiç olix
'îyu.yi xvToùç SiM^ûùy oîiS^ Ipe? oiiSùç mç
lyù ïoiÇ fjLiy ày TrapTi riç pi^pw/xa/, iTTiiSav
Si ccTriiyxi /iovXytrxi, (rvXXx/i<cy xxi xvrovç
xxxuiç TTO/w XXI rx p^pM^ar* cc7ro<rvXoi).
ocXXcc ïôyrooy, liSorlç or/ xxxîovç lîtri -Trifi
iiixccç » yiixiiç 7r£p/ ixiiyovç. y.xiroi 'ix^ y^
xvrioy xxi rîxyx xxi yvyxïxxç ly Tp«X-
XKTi (f:f>ovfov/jt.iyx' kxx' ovSi rovmy <rri-
fiiiToyrxi, kxx' àTTOÂM-vj/Ocr*/ r'Àç TT^ofT^iy
lïiXX 7r£p< i[À.i xtir'^ç. XXI 0 (/.ly rxvrx
tl/ciy • 01 Si 'ŒxXyiïlç, Il riç xxt «.■^V(jt.ô-
rifoç h TTpoç r>iy a,vx/ix(Tiy , kxovoyriç
ry/y Kiipou ccfirtiy tiSioy xxi 7rfoâ-v(iorifoy
O'vyiTTOfivoyro.
Wiroc, rxvrx Kîîpoç i^iXxvyti (Trxd--
(J.OVÇ rirrxfxç irx^xŒxyyxç uxto'iy itti
roy X.xXoy irorx(/ioy ^ oyrx ro iv^oç irXÎâ--
pou, TrXjipii S'' ïx^^<^v (LiyxXmy xxi 7rf>xîo»y,
ovç oî 2vpo< d-ioiiç 'iyo(J!.i^Qy xxi ccSixuy oîix
utfoy , ovSi rxç TfifiiCrifixç. xï Si xu(ixi
ly xlç lax'niovy Tlx^vtTxnSoç i<rxy lîç
^ùjyrty SiSo(tîvxi. lyrivâ-iy i^iXxvyii (Trxâ--
(jcovç TTitri TTXDXfTxyyxç roixxovrx itti
rxç TTriyxç rov AxcSxroç ■7rorx(/,ov , ov ro
£Ùpo? TTAÉ^-pov. hru.vd-x ÏKTxy ra, 'RiXÎO'voç
Hx^rixiix rov Si/p/'ûtç apÇetiTO?, xx\ Trapa-
SiiToç TTxyv (j.iyxç XXI xaXÔç, 'ix'^"
TTXvrx <.<Tx mcxi ^vovJ'i. Kupo? «T' xvroy
i^ixo-\.i XXI rx (ixfTÏXiix xxr'ixxvTiy. h-
nvàiy l^iXxvyii <rrxd-(jt.ovç rfi7ç vrxfx-
(Txyyxç TTiyrixxîSixx ITTI roy Eùçipxriic
'KOrx(jt.oy oyrx ro £Ùpo? rirrx^tjcy CTrxSiùiy
XXI TToXiç xvroà-i OùXiïro (iiyxXvi xxi iiiSxi-
(jiivy Qx-^xxoç Cto/za. âr«,v^<* 'î(xiiyxy
M(tîfxç Trîyri' xxi Kupoç (ji.irx7ri(jt,-^x-
(xiyoç rovç (Tr^xrviyovç roiy 'ExAmcw)' fXf-
yiy 'on « 'oSoç 'iCoiro Trpoç /ixo'ixix (xiyxy
liç Hx/ivXiùyx' xxi XiXiîiii xvrovç Xiyiiy
rxvrx ro7ç (Trfxnûrxiç xxi kyxTniâiiy
'îviCà-xi. o\ Si Troi-i\<Xxyriç ixxXriO'îxy avriiy-
yiXXoy rxvrx' oî Si arcixnurxi £p^a.X£-
TTxnoy roiç (TrDxrYiyoïç, xxi ipxtrxy «.t^roi;?
TTCcXxi rxvr^ tiSôrxç XfVTrriiy, xxl oix
i^x(rxy iiyxi, ixy (xit nç xiirolç p^pM/zaro.
SiSÔù, «îT/TEp ro7ç TCfOrlfOIÇ (xirx Kûpoi/
a.yx(ict.(Ti TCXfCC roy Trxrîfx rov Kvpoi/, xxi
N« 583.
GREC DE CICERO.
/(TêÇ ZOil SbùKciS'iÇ' TcLVTdL S% Tct ^-iiptCt 01 ITTTrUÇ èVlOTî iS^tW-
Kov. aan 01 julv ovoi, îttîi tiç S^tMKOt^ TrpoS'ûdjuovTîç ea-TctcroiV'
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TCtyy iTTCtVOVTO' TTOXU yctp CL7Tl(T7ra,T0 (pîVyOU(rct^ To7ç fJLiV 7V0<Tl
S'pÔfJiCù^ TdCiç Si TTTèpVÇlV CtipOVG-Ct^ 6d(r7r9p la-TtO) XpCù/Jiivt}. ToiÇ
Se OdTlScLÇ civ TIÇ TdUyy CtVKTTVi^ êtTT/ Xct[Ji(icLVilV' TriTOVTCtt
ykp fipcc^u ùûO'Trfp TripSizîç koli Tctyjj oLTrctyopîvovo't. tcl Si
ZpîCt OLVTOùV 7\SKrTCL i)V . TTOpivÔfJLiVOl Si StcL TCtVTt)Ç TYÏÇ X^P^''
CL(pi}tVOVVTa,l iTTi TOV Mci(r}tCtV TrOTOLfJLOV ^ TO iiipoç TrXi^picuov.
iVTctvd-et hv TToXtç lpi\[JLï\j /ULiydXn , ovojuct «T' dÙTri KopcrcôTii'
TriptippîÎTO S' Ct[)TV\ VTTO TOV Md^KCt KUitXCà. hTOUjà"^ 'îJUîlVCtV
yi/xipctç Tpiiç KûLl iTTiCrtTis-ûLVTO. IvTiV^iV l^iXcLVVil (TTcL^fJ.OVÇ
ipïIjUOVÇ TpKTKOLlSiytOL 7rcLpaL(rûLyycLÇ iVîVYtZOVTA TOV 'Ev(ppoLTi)V
TTOTCtfJiOV iV Si^tûi '^X^^J ^'^^ 0i(pmVi7T0lt iTTl TlvXcLÇ. iV TOVTOtÇ
TOÎÇ (TTcL^fJLolç TTOXXoL TMV VTTO^VyiOùV OLTTMXîTO CtTO XtJUOV
où yoLp iiv XPpTOç ovSs ctXXo ovSh SévSpov j olXXol -^iXn m
CLTrcta-Ct ri X^P^' ^^ ^^ IvOtZOVVTiÇ OVOVÇ CCXiTCtÇ TTCtpcL TOV TTOTCt-
fXOV opUTTOVTîÇ ZûLl TTOtOVVTiÇ îîç Bct/iuXCûVci ijyOV KOLt ItTOùXoVV
KCtt OLVTCtyopd^OVTiÇ (TITOV î^MV. Tû Si (TTpaLTèVJUOi 0 (TITOÇ iTTi-
A/TTgj ncti TrpicLG-^on ova hv il jum h tjÏ AvSta, kyopa, h tu>
KupOU ^Ctp^cLpiaw y Ti)V acLTri^m CtXiVpOùV m OiX(plTùùV TèTTCtpCOV
(TtyXùùV. 0 Si (TiyXoç Suvoltch Iittcl o^oXouç tcctt yijuiM^oXtov
Attihouç' v\ Si KcLTri^T) Suo x^^^*^°^Ç "Attikolç iXVP^^' ^p^^
OÙV iO-^lOVTiÇ ol (TTpoLTtCùTûit SnytyVOVTO. ilV Si TOVTOùV TùûV
(TTCtd-JUMV obç TtÔlVU jUCtZpOVÇ HXciVViV , OTTOTg « TTpOÇ vScop
^OVXOITO SlctTiXi(Tctl V\ TTpOÇ ^/AOJ'. Kct) Sï\ TTOTi (TTiVOX^plctÇ
itctt 7rv\Xov (poLvivTOç Tctlç oL/xd^ctiç So<r7ropiUTOV gTT-gVxM 0 Kvpoç
(TVV T07ç TTip) CtVTOV CLpl(rTOlÇ HOU iÙSctt/UOViO-TctTOtÇ KO.) iTOL^i
N". lifii.
FLEURONS ET VIGNETTES.
i658
1661
1677
169V95 ^^^P
Corps
Sfâ'^
762/63
1777/78
1783
i8o4/o5
i8o6/o5
^^^^^■S^^
1919/20 ^s^p
16
18
18
28
EPREUVES
DES CARACTÈRES
DE LA FONDERIE
DE N. P. GANDO,
GRAVEUR ET FONDEUR.
SECOND RECUEIL.
A PARIS,
Rue des Maçons, N". 31.
f
ROMAINS ET ITALIQUES.
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I;
N O M P A R E I L L E.
y°. 1.
Waarde Medeturger.
Dezen îngeslotene îs van ^Mons' Bessemer die mij op mijn vertrek
dezelve medegaf dog onder weg naar Brussel door Een accident aan mijn
voet heb ik in Brussel mijn vertlijf moeten houden en terwijl ik er
^erk Tond heb ik er tôt nog toe gewerkt dog mij tlians weder in staat
Levindende om mijn Reijs te kunnen Toortzetten is mijn vriendelijk
verzoek of ne mij wel zult gelieven te laten weten , of ne al of niet
mij in ne Gieterij kunt Ginploijeren, Letbe door de geduurige Expe-
rientien mij in de kunst zoo wat geperfectioneert namentlijk in tet
justisieeren en vormen Stellen. En in de Letteren ran didot en gando
te parijs 3 jaren gewerkt, ne kunt van mijn persoon en gedrag na
infonneeren Bij den Burger H^ van Staden te amsterdam en Bij den
Burger J' De Groot in s' Hage verder toope indien door ue geoc-
cupeert worde ue te voldoen Blijve intnssclien met agting Waarde
Medeburger
Ue Dw ; Dienaar en Medeburger
Mijn adres is Bij
Le citoyen De bakker au
Lion Blanc au Borgwal à Bruxelles.
J: H: HUB>'ER.
NOMPAREILLE I TALIQ U E.
JTaarde Landgenoot ,
Xeemende de i-rrherd UE. hier nea-ens eenige Proeven van Carac-
tères over te zenden die ik hier te parys voor een Lettergieter gegra-
veerd heb, en daar ik tans voorneemens en selfs reeds werkeljk be-
gonnen ben voor myn ej-gen reeks te werken , Neeme ik de vryheyd
LEd' mm dienst aan te bieden, om de matrrsen van die Caractères
die VEd' mogt nodig hehben te Leei-eren , wyl ik de pansons voor mr
behouden , ten zy LEd' daar ioe mogt inclineere waar toe ik niet on-
geneegen ben met UEd' te handelen.
LEd' andwoord ajwachtende hebbe de Eere te zyn
Myn adres is
au Citoyen Bessemer, Graveur en Ca-
ractères rue Se\-eiin -Yo. //^, à Paris.
LEd' DJ'aardige Dienaar,
BESSEMER.
NOMPAREILLE.
N». III.
Parys 4 frimaire 1795.
Geerde Medeburger.
Het is niet zonder verwondering dat ik uyt UWE laaste gesien heb
dat men eene geheele andre manier van gieten in hoUand oeffend,
als die men te parys in 't werk steld ; en meer als 5o jaren geleden
geadopteerd wyl die ongelyk beter is om de juyste wydte van de
Letters te kunnen opserveren en door dien weg die op het papier
beter te doen voorkomen, indien ik geweten had, dat in holland de
gewoonte waar om ailes naar de M te regulereu zoude zulk my even
geweest zyn om die voor UE te maken, allenlyk met dit onderscheyd
dat in plaatse ik UE voor de justificatie 10 St. gevraagd hebbe zoude
ik den andre manier niet mindre als i5 St. per stuk kan leveren aan—
gesien de meerdere moeyte, dog dit laate ik aan UWE Edelmoedig—
heyd over : wenste gaarne te weten of die aan UE gezonde Matrysen
lang genoeg zyn van boven voor de dikte van UWE vorm,datde
linie laag genoeg kan komen so niet zal ik genoodsaakt zyn een ge—
heel nieuw afslag te vervaardigcn , dus eene merkelyke schade voor
my, egter zal my niets te zwaar vallen en zal al doen wat mogelyk is
om UE in ailes genoegen te geven , te meer daar ik hoope dat dit zal
nemen verders voor UE te werken het zal my aagenaam zyn eene
gehele complète afgiedsel van eene UWER caractères te moge hebben,
welke my zal konnen dienen om my daar na te reguleren ik ver—
wagt dien ten spoedegsten en zal zo dra die by my gearreveerd zyu
ten eersten myn werk maken om die aan UE in de gevraagde order
te doen toekomen entusschen hoope UE my het genoegen te doen de
op UEd. getrokken vvissel te honoreren, de Heer delhaas welke my
meer als i5 jaren kend zal myue borge voor UE zyn intussen zal ik
al aanwenden niet alleene voor deese, maar so verdre affaires voor
UE my opgedragen werden al te doen wat strekken kan om UE eene
volkomen genoegen te besorgen blyve na Minzame Groete
UW Medeburger
BESSEMER.
NOMPAREILLE ITALIQUE.
A. Bessemer, Hollandais de naissance, était émigré en france
en tySy à la suite du moia>enient patriote dans les Pays-Bas. Il
semble açfoir essayé d'exercer le métier de grai'eitr pour son
propice compte mais plus tard il s'est engagé comme grai>eur de
poinçons dans la fonderie de Gando.
PETIT TEXTE.
N". III.
Si on m'a fait venir ici pour me demander compte de ce qui s'est
passé dans la dernière bataille où je commandais, je suis prêt à tous
en instruire; mais si ce n'est qu'un prétexte pour me faire périr,
comme je le soupçonne, épargnez-moi des paroles inutiles: voilà mon
corps et ma vie que je vous abandonne, vous pouvez en disposer. »
Quelques-uns des plus modérés d'entre le peuple lui ayant crié
qu'il prit courage, qu'il continuât sa défense: — « Puisque j'ai affaire
à des juges, et non pas à des ennemis, ajouta-t-il, je vous dirai, Ro-
mains, que j'ai été fait consul avec Virginius dans un temps où les
enuemis étaient maîtres de la campagne, et où la dissension et la
famine étaient dans la ville. C'est dans une conjoncture si fàclieuse
que j'ai été appelé au gouvernement de l'état. J'ai marché aux enne-
mis, que j'ai défaits en deux batailles, et que j'ai contraints de se
renfermer dans leurs places; et, pendant qu'ils s'y tenaient comme
cachés par la terreur de vos armes , j'ai ravagé à mon tour leur terri-
toire, j'en ai tiré une quantité prodigieuse de grains, que j'ai fait
apporter à Rome, où j'ai rétabli l'abondance.
» Quelle faute ai-je commise jusqu'ici? Me veut-on faire un crime
d'avoir remporté deux victoires? Mais j'ai, dit-on, perdu beaucoup
de monde dans le dernier combat. Peut-on donc livrer des batailles
contre une nation aguerrie, qui se défend courageusement, sans qu'il
y ait de part et d'autre du sang de répandu?
» Quelle divinité s'est engagée envers le peuple Romain de lui faire
remporter des victoires sans aucune perte? Ignorez-vous que la gloire
ne s'acquiert que par de grands périls ? J'en suis venu aux mains avec
PETIT TEXTE ITALIQUE.
des troupes plus nombreuses que celles que vous m'aviez confiées , et
je n'ai pas laissé, après un combat opiniâtre , de les enfoncer ; f ai
mis en déroute leurs légions, qui, à la fin, ont pris la fuite. Pouvais-
je me refuser à la victoire qui marchait devant moi? Était-il même
en mon pouvoir de retenir vos soldats, que leur courage emportait ,
et qui poursuivaient avec ardeur un ennemi effrayé? Si j'avais fait
sonner la retraite, si j'avais ramené nos soldats dans leur camp, vos
tribuns ne m' accuseraient-ils pas aujourd'hui d'intelligence avec les
ennemis? Si vos ennemis se sont ralliés, s'ils ont été soutenus par
N"*. 1-6. i;
GAILLARDE.
N°. I.
Paris den 24 proirial.
Waarde Medeburger
Daar UEd. begerig schyud te zyn om de prysen te
weten der Caracteren, diend deese in andwoord op UEd.
geëerde van de 26 Mey laastleeden, dat de 5 Soorte van
Caracteren, als de Nomparelle, Petit Text, Petit Romain,
Cicero, S* Augustin, aan UEd. kan leveren à 35 Stuy-
vers holl* par Matrysen de Caracters die kleynder zyn
als de Nomparelle of grooter als de S* Augustin kunnen
verhoogen in de preysen na de cleynte of groote van de
Letters wyl ik begonnen ben met geheele nieuwe Stem-
pels te graveeren waar aan ik geene moeyte spare om
die zoo veel my doenlyke is te perfectioneren zynde al-
rede verre gevorderd met de Nomparelle die in de tyd
van 4 maanden compleet zullen zyn, flatere my dat die
aan UEd. meerde sullen voldoen dan de aan U overge-
zonde proefies, indien UEd. verkiest dat ik de Matrysen
GAILLARDE ITALIQUE.
hier zal ajustereii kan UEd. die poor 10 Stuyvers holld
aanneemen hier door resekeert UEd. niet, dat door een
onuoorsigtigheyd van iets te laag af te veylen UEd. in
de noodzakelykhyd zy nieuwe matrysen uyt parys te
laten komen, hier op UEd. andwoord afwagtende blyve
na toewensch pan heil en broederschap
UEd. dienst paardege landgenoot
A. BESSEMER.
N»*. 1439. i44o.
PETIT ROMAIN.
N^ VI.
Paris den 24 Jul j 1 795.
Waarde Medeburger
In het onsekeren zynde of UED myn andwoord op
den UWE van de 25 Mey ontvangen hebt neme ik de
VI jhejd UED dese te zenden met de prysen van de
5 soorte Caracteren die het meerst gangbaar zyn, als
de Nompareille, Petit Text, Petit Romain, Cicero,
S* Augustin, aan UED kan leveren a 35 Stuyvers HoU'^
het stuk voor elken Matrysen in de tyd van 4 maanden ,
wyl ik begonnen ben met geheele nieuwe Stempels te
graveeien waar aan ik geene moeyte spare om die zoo
veel als my doenlyk is te perfectioneren , zynden alrede
verre gevoorderd met de Nompareille die in dien tusen
tyd compleet zuUen zyn, indien UED verkiest dat ik
de Matrysen hier zal ajusteren kan ik UED die voor
10 Stuyvers HoU'i aan nemen.
Het zal my aangenaam zyn UED andwoord op desen
te mogen hebben wyl ik dagelyks aangesogt werd om
afslagen te fourneren en daar ik het eersten die aan
PETIT ROMAIN ITALIQUE.
UED hehbe aangepresenterd zoude ik gaare den eersten
afslag aan Uwe leveren , wyl die soo als UED weet het
suyverste dus wacht ik in dit geval enkel op Uwe decisie
om daar na my te reguleren , in afwachting van een
spoedig aiidwoord hebbe de Eere te zyn
JT^aarde Medeburger
UED D. Vaardege Landg^
A. BESSEMER.
N-^^ 288. 289.
PHILOSOPHIE.
N°. I.
Paris ce 16 Juin 1818.
Monsieur
Jai reçu en son temps llionneur de Votre lettre du 3o
Avril dernier dans laquelle était inclui Votre mandat
sur Mr. Audinet fesant le solde de tous comptes entre
nous en Vous; remettant le mien j étais bien persuade
qu'il y avait une oubli de ma part a Votre prejudix
puisque je trouvais mon compte arrêté avec Vous après
mon envoy du 6 Décembre i8i5 pour les fournitures
et un Nouveau Compte de fournitures parlant de mon
Envoy du 24 Juillet 1816.
Javais donc oublié d inscrire la remise de Votre traite
à mon Profit sur Mr. Audinet le 5 Février 1816 qui ter-
minait le dernier compte; je Vous demande excuse de
cette négligence.
PHILOSOPHIE ITALIQUE.
Jai reçu dans T^otre même lettre la ligne darahe que
T^ous m envoyez pour modèle de celui que T^ous dési-
rerez faire Qraver mais elle ne peut m être d'aucune
utilité dans cette ligne chaque mot a l air de nêtre
quune seule lettre et cela ne peut pas être mais je ne
puis deviner au commence et au finis chaque lettre.
Je ne puis donc rien faire. Jai été à la Bibliothèque
PHILOSOPHIE.
N^ IL
Jy ai trouvé des livres mais ils m'ont offert la même
difficulté, il me faudrait absolument toutes les Lettres
de 1 alphabet de cette langue imprimé a distance.
Les unes des autres pour pouvoir reconnaitre la
forme de chaque sans cela je ne puis absolument rien
faire. Jai cherché un livre de ce Genre et je n'en ai pas
trouvé cependant il doit y en avoir pour apprendre à
lire aux enffaits; a 1 Imprimerie Royale, ils ont bien
de ces caractères, mais ils ne sont point complets et je
n'en serais pas plus avancé. Je crois que Vous aurez bien
de la peine a exécuter cette entrepasse cependant
tacher de Vous procurer le livre que je demande ou je
ne vois pas de moyen de pouvoir rien faire cependant
je pense qu'a défaut de ce livre Ion pourrait faire Gra-
ver par un Graveur en taille douce et sous la conduite
dun homme qui connaîtrait cette lanque toutes les let-
tres de 1 alphabet en les isolant toutes les unes des
autres ainsi que abcdefgh tandis que nos lettres
employées dans un mot se liant les unes aux autres
PHILOSOPHIE ITALIQUE,
celui qui ne les connaît pas séparément ne peut les
distinguer ou devrait aussi graver la forme de chaque
signe de cliaque accent e et des lettres capitales. Si le
caractère on employé, ainsi que les nôtres on devrait
marquer séparément les lettres qui sont susceptibles
de porter des accents afin quen gravant le poinçon
on le dispose pour recevoir les accents.
t444. i44i.
PHILOSOPHIE.
r. III.
On devrait graver cet exemple aussi grande que possible
pour pouvoir plus facilement en reconnâitre et étudier
les formes ce travail préparatoire pour être bien fait de-
mande d'être exe'cute' et surveille' par quelqu'un intelli-
gent il deviendra chère cependant. Il n'y a pas de moyen
de réussir sans cela on devra bien distinguer les lettres
longues d avec les courtes en gravant ces lettres entre
quatre Rayes, c'est le seul moyen de réussir à graver le
caractère que Vous demandez autrement je ne crois pas
que l'on puisse en venir a bout comme Vous me dites
que Vous avez déjà des matrices de ce caractère que Vous
avez acbete'es d'un anglais. Vous pourriez marquer sur
ce tableau alphabétique toutes les sortes que Vous avez
déjà et Ion n'en graverait pas les poinçons ce serait une
dépense de mains en remettant des lettres fondues sur les
longues et sur les courtes Ion pourrait faire les autres
conformes comme ayant je suppose un m et un b je
PHILOSOPHIE ITALIQUE,
puis facilement faire le d si ce poinçon me mancjue.
Voyez Monsieur si jentends bien ce cjue Fous me de-
mandez et faites moi connaître Vos intentions. Je
m^j conformerai. Vous me demandez aussi dans Votre
lettre si Vous ne feriez pas bien d'ai^oir les doubles
frappes des caractères (jue Vous avez déjà. Je crois
(jue ce serait une dépense inutile et (ju'^il Vous est plus
^"■^ 3GG. i4^
PHILOSOPHIE.
W. IV.
Je crois que ce serait une depence inutile et qu'il
Vous est plus avantageux d'avoir de nouvelles frap-
pes car Vous serez toujours à même de faire re-
frapper une matrice qui viendrait à se gâter et la
dépense en sera bien peu de chose et par l'autre
moyen Vous aurez un caractère de plus.
Jattendrai sur toutes ces observations Votre déci-
sion et je tacherai de justifier Votre confiance si je
me charge de Graver ce caractère je suis très sen-
sible aussi aux choses obligeantes que Vous me dites
relativement à l'établissement de Bruxelles.
Jai 1 honneur d être bien sincèrement
Monsieur
Votre affectionné serviteur
GANDO.
PHILOSOPHIE ITALIQUE,
Pinard, qui s^ était distingué à Bordeaux comme
imprimeur , graveur et fondeur en caractères , et qui
s^ était formé à F école de Firtnin Didot , transporte
son établissement à Paris. L'édition du Temple de
Guide commencée par lui à Bordeaux , peut se
placer à côté des chefs d'' oeuvre de la typographie
française.
i\"^ 358. 35c
GIGÉRO ROMAIN.
N^ VIII.
Waarde Medeburger
Hebbe de Eere UWE door dese te berigten dat
ik aan UW adres van hier afgesonden heb den 2 5
Sej)^ laastleden een kistje waar in 294 pièces Ma-
trysen, Caractères philosophe die ik hoope dat op
zyn tyd en in goede ordre by UW mogen arriver en.
Aile de Matrysen zyn seer diep van Contrepoin-
cons hope die naar UW genoegen mogen zyn en
daar in aan UW begeerte voldaan te liebben, my
verders aan UW gunstig aandenken aanbevelende
kimnende UE versekeren van altoos den zelve op-
lettenlieyd te gebruyken en al aantewenden w^at
doenlyk zal zyn tôt meerdere volmaking van myne
Caractères.
CICÉRO ITALIQUE.
Het montant der aan UE gesondene 2^4 Ma-
trysen a 35 Str hollds per stuk en 1 o St^^ voor
het ajuster en bedraagt te zaïnen f 66 1 ,,1 o ,, —
hollands, zal de vryheyd nenien den Somme per
wissel op UE te trekken versoeke UE desehe met
betaleng geheve te honoreren.
N°s. 4«. 4^3.
CIGERO ROMAIN.
N°. IX.
Het gerugt is hier algemeen dat men voornemens
is in holland papiere geld of Assignaten te maken
gangbaar in de 7 provincien, indien aan dit gerucht
eenigte ^\ aarheyd is bied ik UE my hier van enige
narigten te geven, ik recomondeere my aan UE
^\\\ tôt de uytvoering der Gai^ctei es mogelyk van
enige nuttigheyd zouwde kunnen z)ti, en my flat-
tere de vereiste kennis te besitten die nodig is tôt
de uytvoering van een diergelyke onderneming,
ter anderen door rrendschap geheerd z^nde aan
een bekwaame konst gi-aveerder die aile de rereiste
bekwaamhedens besit in 't teken en graveren der
nodege figm^en en verdi-e nodege bwerken ,
hoUander van geboorten en ylugteling sedert de
revolutie van 87 voor \\ iens Eerlyke denk^^yse ge-
noezame getuygen gevonden kunen ^verden beyde
CICÉRO ITALIQUE.
te zameyi werkende in staad zulleyi zyn om al wat
tôt een deergelyken onderneming vereyst werd te
Executeren.
Na mezame groete hehhe de Eere te zyn
UED^ Dienst T^aerdige JMedehurger
A. BESSEJIER.
Paris den 2 Oct^h^ ^73^-
16. 4i-
PETIT CANON
N°. II.
Gando, Graveur et
Fondeur en Caractè-
res d'Imprimerie, rue
des Maçons-Sorbon-
ne N° 21, a l'honneur
de prévenir messieurs
ITALIQ UE.
Il tient aussi un
Magasin de Presses
d'Imprimerie, neu-
NOS. 5,8^ 5,
FLEURONS ET VIGNETTES.
1608/09
1628
Corps
^ 64o ^HH^^^^H^^^ m ^^^H^HH
l659
1671/72
1693
1713/14
1755/56
16
1764/65
16
1781/82 ^
788
18
N°.
Corps
i8o2/o3
1808
1809/10
1820/21
1822/23
1828/29
18
i838
18G9/70
2488
Les 11'". i8ii, 1829 sont de date récente.
N°.
1^25/26
28
.933/34 ^^^
28
i 935/36
28
19^9
1950/51
%,^^^J/ A
28
ig52/53
28
2499
©:k;<35ïs:k;.©j
N°.
i/o3
Corps
44
t/o5
44
2006
44
2008/og
44
44
EPREUVES
DES CARACTÈRES
DE LA FONDERIE
DE TH. S. GANDO,
FONDEUR A BRUXELLES.
PREMIER RECUEIL.
ROMAINS ET ITALIQUES.
I
NOMPAREILLE.
NO. IV.
n n'est point d'homme bien organisé à qui ce nom ne rappelle quelqu'une de ces belles
nuits de printemps où, le ciel étan* serein, l'air calme, toute la nature en silence", et,
pour ainsi dire , attentive , il a écouté avec ravissement le ramage de ce chantre des fo-
rêts. On pourrait citer quelques autres oiseaux chanteurs , dont la voix le dispute , à cer-
tains égards , à celle du rossignol : les alouettes , le serin , le pinson , les fauvettes , la
linotte , le chardonneret , le merle commun , le merle solitaire , le moqueur d'Amérique ,
se font écouter avec plaisir , lorsque le rossignol se tait : les uns ont d'aussi beaux sons ,
les autres ont le timbre aussi pur et plus doux , d'autres ont des tours de gosier aussi
flatteurs ; mais il n'en est pas un seul que le rossignol n'efface par la réunion complète
de ces talents divers , et par la prodigieuse variété de son ramage ; en soite que la chanson
de chacun de ces oiseaux , prise dans toute son étendue , n'est qu'un couplet de celle du
rossignol.
N O MPAREI LLE ITALIQUE.
Le rossignol charme toujours , et ne se répète jamais , du moins jamais servilement; s'il
redit quelque passage , ce passage est animé d'un accent nouveau , embelli par de nouveaux
agréments. Il réussit dans tous les genres , il rend toutes les expressions , il saisit tous les
caractères , et de plus il sait en augmenter l'effet par les contrastes. Ce coryphée du prin-
temps se prépare-t~il à chanter l'hymne de la nature , il commence par un prélude tim,ide ,
par des tons faibles, presque indécis , com/me s'il voulait essayer son instrument et intéresser
ceux qui l'écoutent.
PETIT TEXTE.
N°. V.
C'est dans ces tons passionnés que l'on reconnaît le langage du sentiment
qu'un époux heureux adresse à une compagne chérie et qu'elle seule peut lui
inspirer; tandis que dans d'autres phrases plus étonnantes peut-être, mais
moins expressives, on reconnaît le simple projet de l'amuser et de lui plaire,
ou bien de disputer devant elle le prix du chant à des rivaux jaloux de sa
gloire et de son bonheur. Ces différentes phrases sont entremêlées de silences,
de ces silences qui , dans tout genre de mélodie , concourent si puissamment
aux grands effets. On jouit des beaux sons que l'on vient d'entendre , et qui
retentissent encore dans l'oreille: on en jouit mieux, parce que la jouissance
est plus intime, plus recueillie, et n'est point troublée par des sensations
PETIT TEXTE F TA LI QUE.
nouvelles: bientôt on attend, on désire une autre reprise; oîi espère que
ce sera celle gui plaît: si Von est trompé, la beauté du morceau que Von
entend ne permet pas de regretter celui qui n'est que différé, et Von
conserve V intérêt de Vespérance pour les reprises qui suivroiit.
iiG.
i8G. 187.
PETIT TEXTE.
N^ VI.
LES CÀTÀC03IBES DE ROME.
Sous les remparts de Rome et sous ces vastes plaines ,
Sont des antres profonds , des voûtes souterraines ,
Qui , pendant deux mille ans , creusés par les humains ,
Donnèrent leurs rochers aux palais des Romains ;
Avec ses monuments et sa magnificence,
Rome entière sortit de cet abîme immense.
Depuis, loin des regards et du fer des tyrans,
L'Église , encor naissante , y cacha ses enfants ,
Jusqu'au jour où, du sein de cette nuit profonde,
Triomphante , elle vint doimer des lois au monde ,
Et marqua de sa croix les drapeaiix des Césars.
Jaloux de tout connaître, un jeune amant des arts,
L'amour de ses parents , l'espoir de la peinture ,
Brûlait de visiter cette demeure obscure,
De notre antique foi vénérable berceau.
Un fil dans une main , et dans l'autre un flambeau ,
Il entre, il se confie à ces voûtes nombreuses
Qui croisent en tous sens leurs routes ténébreuses;
Il aime à voir ce lieu, sa triste majesté,
Ce palais de la nuit , cette sombre cité ,
Ces temples où le Christ vit ses premiers fidèles ,
Et de ces grands tombeaux les ombres étemelles.
Dans un coin écarté se présente un réduit ,
Mytérieux asile où l'espoir le conduit;
Il voit des vases saints et des urnes pieuses ,
Des vierges , des martyrs , dépouilles précieuses.
Il saisit ce trésor , il veut poursuivre : hélas !
Il a perdu le fil qui conduisait ses pas.
Il cherche , mais en vain : il s'égare , il se trouble ,
Il s'éloigne , il revient , et sa crainte redouble ;
Il prend tous les chemins que lui montre la peur.
N». i84.
PETIT TEXTE.
N«. VII.
On s'embarque sur la Brenta pour arriver à Venise, et des deux cô-
tés du canal on voit les palais des Vénitiens , grands et un peu délabrés ,
comme la magnificence italienne. Ils sont ornés d'une manière bizarre et
qui ne rappelle en rien le goût antique. L'architecture vénitienne se
ressent du commerce avec l'Orient; c'est un mélange du goût mauresque
et gothique qui attire la curiosité sans plaire à l'imagination. Le peup-
lier, cet arbre régulier comme l'architecture, borde le canal presque
partout. Le ciel est d'un bleu vif qui contraste avec le vert éclatant de
la campagne ; ce vert est entretenu par l'abondance excessive des eaux :
le ciel et la terre sont ainsi de deux couleurs si fortement tranchées,
que cette nature elle-même a l'air d'être arrangée avec une sorte d'ap-
prêt; et l'on n'y trouve point le vague mystérieux qui fait aimer le midi
de l'Italie. L'aspect de Venise est plus étonnant qu'agréable : on croit
d'abord voir une ville submergée , et la réflexion est nécessaire pour ad-
mirer le génie des mortels qui ont conquis cette demeure sur les eaux.
Naples est bâtie en amphithéâtre au bord de la mer; mais Venise étant
sur un terrain tout- à -fait plat, les clochers ressemblent aux mâts d'un
vaisseau qui resterait immobile au milieu des ondes. Un sentiment de
tristesse s'empare de l'imagination en entrant dans Venise. On prend
congé de la végétation: on ne voit pas même une mouche en ce séjour;
tous les animaux en sont bannis, et l'homme seul est là pour lutter
contre la mer.
Le silence est profond dans cette ville , dont les rues sont des canaux,
et le bruit des rames est l'unique interruption à ce silence.
PETIT TEXTE ITALIQUE.
Ce n'est pas la campagne, puisqu'on n'y voit pas un arbre; ce n'est
pas la ville, puisqu'on n'y entend pas le moindre mouvement ; ce n'est
pas même un vaisseau, puisqu'on n'avance pas : c'est une demeure doiit
l'orage fait une prison; car il y a des moments où l'o?i ?ie peut sortir
ni de la ville ni de chez soi. On trouve des hommes du peuple à Venise
qui n'ont jamais été d'un quartier à l'autre, qui n'ont pas vu la place
Saint-Marc , et pour qui la vue d'un cheval ou d'un arbre serait vue
véritable merveille.
NOS. ,88. 189.
PETIT TEXTE.
On a remarqué, avec raison, que les règnes d'Auguste et de Louis XIV
se ressemblaient par le concours des grands hommes de tous les genres
qui ont illustré leurs règnes. Mais on ne doit pas croire que ce soit l'effet
seul du hasard; et si ces deux règnes ont de grands rapports, c'est qu'ils
ont été accompagnés à peu près des mêmes circonstances. Ces deux prin-
ces sortaient des guerres civiles , de ce temps où les peuples armés , nour-
ris sans cesse au milieu des périls, entêtés des plus hardis desseins, ne
voient rien où ils ne puissent atteindre; de ce temps où les événements
heureux et malheureux , mille fois répétés , étendent les idées , fortifient
l'âme à force d'épreuves, augmentent son ressort, et lui donnent ce désir
de gloire qui ne manque jamais de produire de grandes choses.
Voilà comme Auguste et Louis XIV trouvèrent le monde. César s'en
était rendu le maître, et avait devancé Auguste; Henri IV avait conquis
son propre royaume, et fut l'aïeul de Louis XIV. Même fermentation dans
les esprits ; les peuples , de part et d'autre , n'avaient été pour la plupart
que des soldats, et les capitaines, des héros. A tant d'agitation, à tant
de troubles intestins , succède le calme que produit l'autorité réunie. Les
prétentions des républicains et les folles entreprises des séditieux dé-
truites laissent le pouvoir entre les mains d'un seul ; et ces deux princes,
devenus les maîtres (quoiqu'à des titres bien difféi-ents), n'ont plus à
s'occuper qu'à rendre utile à leurs états cette même chaleur qui jusqu'alors
n'avait servi qu'au malheur public. Leur génie et leur cai-actère particu-
lier se ressemblaient encore par là , ainsi que leurs siècles.
L'ambition et l'ardeur de la gloire avaient été égales entre eux : héros
sans être téméraires, entreprenants sans être aventuriers, tous deux avaient
PETIT TEXTE ITALIQUE.
été exposés aux orages de la guerre civile, tous deux avaient commandé
leurs armées en personne, l'un et l'autre avaient su vaincre et pardonner.
La paix les trouva encore semblables par un certain air de grandeur,
par leur magnificence et leur libéralité. Chacun d'eux possédait ce goût
naturel, cet instinct heureux qui sert à démêler les hommes. Leurs mi-
nistres pensaient comme eux, et Mécène protégeait auprès (TAuguste,
ainsi que Colbert auprès de Louis XIV, tout ce que Rome et la France
avaient de génies distingués. Enfin, le hasard les ayant fait naitt^e l'un
et Vautre dans le même mois, tous deux moururent presque au même âge.
N"*. 182. i83. Gravé par Istastoule. Cet assortiment ne se trouve pas dans le spécimen
de Gando.
GAILLARDE.
N''. IIL
On ne fut pas long-temps sans voir l'armée des Turcs et des Tar-
tares qui venaient attaquer le petit retranchement avec dix pièces de
canon et deux mortiers. Les queues de cheval flottaient en l'air, les
clairons sonnaient, les cris de Allah Allah se faisaient entendre de
tous côtés. Le baron de Grothusen remarqua que les Turcs ne mêlaient
dans leurs cris aucune injure contre le roi, et qu'ils l'appelaient seu-
lement Demirbash (tête de fer). Aussitôt il prend le parti de sortir
seul , sans armes , des retranchements ; il s'avança dans les rangs des
janissaires, qui presque tous avaient reçu de l'argent de lui. « Eh
quoi! mes amis, leur dit-il en propres mots, venez-vous massacrer
trois cents Suédois sans défense, vous, braves janissaires, qui avez
pardonné à cent mille Russes, quand ils vous ont crié amman (pardon)?
Avez-vous oublié les bienfaits que aous avez reçus de nous? et voulez-
vous assassiner ce grand roi de Suède que vous aimez tant, et qui vous
a fait tant de libéralités? Mes amis, il ne demande que trois jours, et
les ordres du sultan ne sont pas si sévères qu'on vous le fait croire. »
Ces paroles firent un effet que Grothusen n'attendait pas lui-même.
Les janissaires jurèrent sur leurs barbes qu'ils n'attaqueraient pas le
roi, et qu'ils lui donneraient les trois jours qu'il demandait. En vain
on donna le signal de l'assaut. Lesjanissaires, loin d'obéir, menacèrent
de se jeter sur leurs chefs, si l'on n'accordait pas trois jours au roi de
Suède: ils vinrent en tumulte à la tente du pacha de Bender, criant
que les ordres du sultan étaient supposés. A cette sédition inopinée
le pacha n'eut à opposer que la patience.
GAILLARDE ITALIQUE.
Il feignit d'être content de la généreuse résolution des janissaires,
et leur ordonna de se retirer à Bender. Le khan des Tartares, homme
violent, voulait donner immédiatement l'assaut avec ses troupes; mais
le pacha, qui ne prétendait pas que les Tartares eussent seuls l'hon-
neur de prendre le roi, tandis qu'il serait puni peut-être de la déso-
béissance de ses janissaires , persuada au khan d'attendre jusqu'au
lendemain. Le pacha, de retour à Bender, assembla tous les officiers
des janissaires et les plus vieux soldats; il leur lut et leur fit voir
N"^ 2:<-2. -i.n.
GAILLARDE.
r. IV.
PHILOSOPHIE DE NEWTON.
Le charme tout-puissant de la philosophie
Elève un esprit sage au-dessus de l'envie.
Tranquille au haut des cieux, que Newton s'est soumis,
Il ignore en effet s'il a des ennemis.
Je ne les entends plus. Déjà de la carrière
L'auguste vérité vient ouvrir la barrière;
Déjà ces tourbillons, l'un par l'autre pressés.
Se mouvant sans espace , et sans règle entassés ,
Ces fantômes savants à mes yeux disparaissent;
Un jour plus pur me luit: les mouvements renaissent.
L'espace, qui de Dieu contient l'immensité.
Voit rouler dans son sein l'univers limité,
Cet univers si vaste à notre faible vue ,
Et qui n'est qu'un atome, un point dans l'étendue.
Dieu parle , et le chaos se dissipe à sa voix ;
Vers un centre commun tout gravite à la fois.
Ce ressort si puissant, l'âme de la nature.
Etait enseveli dans une nuit obscure;
Le compas de Newton, mesurant l'univers,
Lève enfin ce grand voile , et les cieux sont ouverts
Il découvre à mes yeux , par une main savante ,
De l'astre des saisons la robe étincelante:
L'émeraude, l'azur, le pourpre, le rubis,
Sont l'immortel tissu dont brillent ses habits.
Chacun de ses rayons, dans sa substance pure.
Porte en soi la couleur dont se peint la nature ,
Et, confondus ensemble, ils éclairent nos yeux.
Ils animent le monde , ils empHssent les cieux.
Confidents du Très-Haut, substances éterneUes,
Qui brûlez de ses feux , qui couvrez de vos ailes
Le trône où votre maître est assis parmi vous.
Parlez: du grand Newton n'étiez-vous pas jaloux?
N». 234.
GAILLARDE.
N«. V.
Vous ignorez, monsieur, que vous écrivez à un pauvre homme ac-
cablé de maux , et de plus fort occupé , qui n'est guère en état de vous
répondre , et qui le serait encore moins d'établir avec vous la société
que vous lui proposez. Vous m'honorez en pensant que je pourrais
vous y être utile , et vous êtes louable du motif qui vous le fait dési-
rer; mais sur le motif même, je ne vois rien de moins nécessaire que
de vous établir à Montmorency : vous n'avez pas besoin d'aller cher-
cher si loin les principes de la morale.
Rentrez dans votre cœur, et vous les y trouverez; et je ne pourrai
rien vous dire à ce sujet que ne vous dise encore mieux votre cons-
cience, quand vous la voudrez consulter. La vertu, monsieur, n'est
pas une science qui s'apprend avec tant d'appareil : pour être vertu-
eux , il suffît de vouloir l'être ; et si vous avez bien cette volonté , tout
est fait; votre bonheur est décidé.
S'il m'appartenait de vous donner des conseils, le premier que je
voudrais vous donner serait de ne vous point livrer à ce goût que vous
dites avoir pour la vie contemplative , et qui n'est qu'une paresse de
l'âme, condamnable à tout âge, et surtout au vôtre. L'homme n'est
point fait pour méditer, mais pour agir. La vie laborieuse que Dieu
nous impose n'a rien que de doux au cœur de l'homme de bien qui s'y
livre en vue de remplir son devoir, et la vigueur de la jeunesse ne
vous a pas été donnée pour la perdre à d'oisives contemplations.
Travaillez donc , monsieur , dans l'état où vous ont placé vos parents
et la Providence : voilà le premier précepte de la vertu que vous voulez
GAILLARDE ITALIQUE.
suivre; et si le séjour de Paris j Joint à l'emploi que vous remplis-
sez, vous parait d'un trop dij^cile alliage avec elle, faites mieux ,
monsieur, retournez dans votre province ; allez vivre da/tis le sein
de votre famille; servez, soignez vos vertueux parents : c'est là que
vous remplirez véritablement les soins que la vertu vous impose.
Une vie dure est plus facile à supporter en province que la for-
tune à poursuivre à Paris, surtout quand on sait, comme vous ne
l'ignorez pas , que les plus indignes manèges y font plus de fripons
No^ 23G. 23-
PETIT ROMAIN.
N''. VII.
Vous voulez, monsieur le maréchal, que je vous décrive
le pays que j'habite? Mais comment faire? Je ne sais voir
qu'autant que je suis ému; les objets indifférents sont nuls
à mes yeux; je n'ai de l'attention qu'à proportion de l'inté-
rêt qui l'excite, et quel intérêt puis-je prendre à ce que je
retrouve si loin de vous? Des arbres, des rochers, des mai-
sons, des hommes même, sont autant d'objets isolés dont
chacun en particulier donne peu d'émotion à celui qui le
regarde; mais l'impression commune de tout cela, qui le
réunit en un seul tableau, dépend de l'état où nous som-
mes en le contemplant. Ce tableau, quoique toujours le
même, se peint d'autant de manières qu'il y a de disposi-
tions différentes dans les cœurs des spectateurs ; et ces dif-
férences, qui font celles de nos jugements, n'ont pas lieu
seulement d'un spectateur à l'autre, mais dans le même,
en différents temps. C'est ce que j'éprouve bien sensible-
ment en revoyant ce pays que j'ai tant aimé. J'y croyais
trouver ce qui m'avait charmé dans ma jeunesse: tout est
changé; c'est un autre paysage, un autre air, un autre ciel,
d'autres hommes ; et ne voyant plus mes compagnons avec
PETIT ROMAIN ITALIQUE.
des yeux de vingt ans, je les trouve beaucoup vieillis. On re-
grette le bon temps d'autrefois; je le crois bien: nous attri-
buons aux choses tout le changement qui s'est fait en nous;
et lorsque le plaisir nous quitte, nous croyons qu'il n'est plus
nulle part. D'autres voient les choses comme nous les avons
vues, et les verront comme nous les voyons aujourd'hui. Mais
ce sont des descriptions que vous me demandez , non des ré-
flexions; et les miennes m'entraînent comme un vieux enfant
N"S. 2()o. 291
PETIT ROMAIN.
r. VIII.
LE VOYAGE IMAGINAIRE.
L'automne accourt, et sur son aile humide
M'apporte encor de nouvelles douleurs.
Toujours souffrant, toujours pauvre et timide,
De ma gaîté je vois pâlir les fleurs.
Arrachez-moi des fanges de Lutèce;
Sous un beau ciel mes yeux devaient s'ouvrir.
Tout jeune aussi, je rêvais à la Grèce,
C'est là, c'est là que je voudrais mourir.
En vain faut-il qu'on me traduise Homère :
Oui, je fus Grec; Pythagore a raison.
Sous Périclès, j'eus Athènes pour mère.
Je visitai Socrate en sa prison;
De Phidias j'encensai les merveilles;
De l'Ilyssus j'ai vu les bords fleurir.
J'ai sur l'Himète éveillé les abeilles :
C'est là, c'est là que je voudrais mourir.
Dieux! qu'un seul jour éblouissant ma vue.
Ce beau soleil me réchauffe le cœur;
La liberté, que de loin je salue,
Me crie : (( Accours ; Thrasybule est vainqueur.
Partons! partons! la barque est préparée.
Mer, en ton sein garde-moi de périr;
Laisse ma muse aborder au Pirée :
C'est là, c'est là que je voudrais mourir.
N". 2gG.
PETIT ROMAIN.
Un soir que je m'étais avancé jusqu'à la Vallée des Sé-
pulcres, je montai sur les hauteurs qui la bordent, et d'où
l'œil domine à la fois l'ensemble des ruines et l'immensité
du désert. Le soleil venait de se coucher; un bandeau rou-
geâtre marquait encore sa trace à l'horizon lointain des monts
de la Syrie; la pleine lune, à l'orient, s'élevait sur un fond
bleuâtre, aux planes rives de l'Euphrate; le ciel était pur,
l'air calme et serein; l'éclat mourant du jour tempérait
l'horreur des ténèbres ; la fraîcheur naissante de la nuit cal-
mait les feux de la terre embrasée ; les pâtres avaient retiré
leurs chameaux ; l'œil n'apercevait plus aucun mouvement
sur la terre monotone et grisâtre; un vaste silence régnait
sur le désert : seulement , à de longs intervalles , on enten-
dait les lugubres cris de quelques oiseaux de nuit et de
quelques chacals. . . L'ombre croissait, et déjà dans le cré-
puscule mes regards ne distinguaient plus que les fantômes
blanchâtres des colonnes et des murs. . . Ces lieux solitaires,
cette soirée paisible, cette scène majestueuse, imprimèrent à
mon esprit un recueillement religieux. L'aspect d'une grande
cité déserte, la mémoire des temps passés, la comparaison
de l'état présent, tout éleva mon cœur à de hautes pensées.
PETIT ROMAIN ITALIQUE.
Je m^ assis sur le tronc d'une colonne; et là, le coude appuyé
sur le genou, la tête soutenue sur la niain, tantôt levant les
yeux au ciel, tantôt les fixant sur les ruines, je m'abandonnai
à une rêverie profonde. Ici, me dis-je, ici fleurit jadis une
ville opulente; ici fut le siège d'un empire puissant. Oui! ces
lieux, maintenant si déserts , jadis une multitude vivante ani-
mait leur enceinte; une foule active circulait dans ces routes
N°*. 2^4. 2-5. Gravé par Istastoule. Cet assortiment ne se tronve pas dans le spécimen
de Gando.
PHILOSOPHIE.
W. V.
L'ORAGE.
On voit à l'horizon , de deux points opposés ,
Des nuages monter dans les airs embrasés ;
On les voit s'épaissir , s'élever et s'étendre.
D'un tonnerre éloigné le bruit s'est fait entendre :
Les flots en ont frémi , l'air en est ébr2ailé ,
Et le long du vallon le feuillage a tremblé ;
Les monts ont prolongé le lugubre murmure ,
Dont le son lent et sourd attriste la nature.
Il succède à ce bruit un calme plein d'horreur ,
Et la terre en silence attend dans la terreur ;
Des monts et des rochers le vaste amphithéâtre
Disparaît tout à coup sous un voile grisâtre ;
Le nuage élargi le couvre de ses flancs ;
Il pèse sur les airs tranquilles et brûlants.
Mais des traits enflammés ont sillonné la nue ,
Et la foudre, en grondant, roule dans l'étendue;
Elle redouble, vole, éclate dans les airs;
Leur nuit est plus profonde, et de vastes éclairs
En font sortir sans cesse un jour pâle et livide.
Du couchant ténébreux s'élève un vent rapide ,
Qui tourne sur la plaine, et, rasant les sillons.
Enlève un sable noir, qui roule en tourbillons.
Ce nuage nouveau, ce torrent de poussière,
Dérobe à la campagne un reste de lumière.
La peur, l'airain sonnant, dans les temples sacrés
N". 3Go.
PHILOSOPHIE.
W. VI.
De tous les êtres animés, Yoici le plus élégant pour la
forme, et le plus brillant pour les couleurs. Les pierres et
les métaux polis par notre art ne sont pas comparables à
ce bijou de la nature ; elle l'a placé, dans l'ordre des oiseaux,
au dernier degré de l'échelle de grandeur: maxime mi-
randa in minimis. Son chef-d'œuvre est le petit oiseau-
mouche; elle l'a comblé de tous les dons qu'elle n'a fait
que partager aux autres oiseaux: légèreté, rapidité, pres-
tesse, grâce et riche parure, tout appartient à ce petit fa-
vori. L'émeraude, le rubis, la topaze, brillent sur ses habits ;
il ne les souille jamais de la poussière de la terre, et, dans
sa vie tout aérienne , on le voit à peine toucher le gazon
par instants: il est toujours en l'air, volant de fleurs en
fleurs ; il a leur fraîcheur comme il a leur éclat ; il vit de
leur nectar, et n'habite que les climats où sans cesse elles
se renouvellent.
C'est dans les contrées les plus chaudes du Nouveau-
Monde que se trouvent toutes les espèces d'oiseaux-
mouches.
PHILOSOPHIE ITJLIQUE.
Elles sont assez nombreuses ^ et paroissent confinées
entre les deux tropiques; car ceux qui s^ avancent en été
dans les zones tempérées n'y font qu'un court séjour;
ils semblent suivre le soleil, s'avancer, se retirer avec
lui, et voler sur l'aile des zéphyrs à la suite d'un prin-
temps éternel.
NOS. 356_ 3;
PHILOSOPHIE.
r. VIL
FANTOMES.
I.
Hélas! que j'en ai vu mourir déjeunes filles!
C'est le destin : il faut une proie au trépas ;
Il faut que Fherbe tombe au tranchant des faucilles ;
Il faut que dans le bal les folâtres quadrilles
Foulent des roses sous leurs pas.
Il faut que l'eau s'épuise à courir les vallées ;
Il faut que l'éclair brille , et brille peu d'instants ;
Il faut qu'avril jaloux brûle de ses gelées
Le beau pommier, trop fier de ses fleurs étoilées,
Neige odorante du printemps.
Oui, c'est la vie; après le jour, la nuit livide.
Après tout, le réveil infernal ou divin.
Autour du grand banquet siège une foule avide ;
Mais bien des conviés laissent leur place vide ,
Et se lèvent avant la fm.
IL
Que j'en ai vu mourir! — L'une était rose et blanche;
L'autre semblait ouïr de célestes accords;
L'autre, faible, appuyait d'un bras son front qui penche,
Et, comme en s'envolant l'oiseau courbe la branche,
Son âme avait brisé son corps!
X". MVi.
PHILOSOPHIE.
Si Tempire appartenoit à la beauté et non à la force,
le paon seroit, sans contredit, le roi des oiseaux; il n'en
est point sur qui la nature ait versé ses trésors avec plus
de profusion : la taille grande , le port imposant , la dé-
marche fière , la figure noble , les proportions du corps
élégantes et sveltes, tout ce qui annonce un être de dis-
tinction lui a été doimé. Une aigrette mobile et légère,
peinte des plus riches couleurs, orne sa tête et l'élève
sans la charger : son incomparable plumage semble réu-
nir tout ce qui flatte nos yeux dans le coloris tendre et
frais des plus belles fleurs , tout ce qui les éblouit dans
les reflets pétillants des pierreries , tout ce qui les étonne
daiis l'éclat majestueux de l'arc-en-ciel ; non-seulement
la nature a réuni sur le plumage du paon toutes les cou-
leurs du ciel et de la terre pour en faire le chef-d'œuvre
de sa magnificence, elle les a encore mêlées, assorties,
nuancées, fondues de son inimitable pinceau, et en a
fait un tableau unique, où elles tirent de leur mélange
PHILOSOPHIE ITALIQUE.
avec des numices plus sojubreSj et de leurs oppositions
entre elles , un nouveau lustre et des effets de lumière
si sublimes que notre art ne peut ni les imiter ni les
décrire.
Tel par oit à nos yeux le plu7nage du paon, loi^s-
quHl se promène paisible et seul, dans un beau jour
de printemps; mais si sa femelle, vient tout à coup à
^ . Sao. 3ji. Gravé par Istastoule. Cet assortiment ne se trouve jjas dans le spécimen
de Gandu.
CICÉRO ROMAIN.
Le triste hiver, saison de mort, est le temps du
sommeil , ou plutôt de la torpeur de la nature : les
insectes sans vie , les reptiles sans mouvement , les
végétaux sans verdure et sans accroissement, tous
les habitants de l'air détruits ou relégués, ceux des
eaux renfermés dans des prisons de glace, et la
plupart des animaux terrestres confinés dans les
cavernes, les antres et les terriers, tout nous pré-
sente les images de la langueur et de la dépopula-
tion. Mais le retour des oiseaux au printemps est le
premier signal et la douce annonce du réveil de la
nature vivante ; et les feuillages renaissants , et les
bocages revêtus de leur nouvelle parure, semble-
roient moins frais et moins touchants sans les nou-
veaux hôtes qui viennent les animer.
CICERO ITALIQUE.
De ces hôtes des bois, les fauvettes sont les plus
nombreuses, comme les plus aimables: vives, agiles,
légères, et sans cesse remuées, tous leurs mouve-
ments ont Vair du sentiment, et tous leurs accents
le ton de la joie. Ces jolis oiseaux arrivent au mo-
ment où les arbres développent leurs feuilles et
N"\ 4io. 4 II. Gnivé j)ai- Islasloule. Gel assorlliiieiil m- .se 11
de Gaiido.
ilans K- .sp,
CICERO ROMAIN.
A.
LE SOIR.
Le soir ramène le silence.
Assis sur ces rochers déserts ,
Je suis dans le vague des aiis
Le char de la nuit qui s'avance.
Vénus se lève à l'horizon;
A mes pieds l'étoile amoureuse
De sa lueur mystérieuse
Blanchit les tapis de gazon.
De ce hêtre au feuillage sombre
J'entends frissonner les rameaux:
On dirait autour des tombeaux
Qu'on entend voltiger une ombre.
Tout à coup , détaché des cieux ,
Un rayon de l'astre noctm^ne,
Glissant sur mon front taciturne ,
Vient mollement toucher mes yeux.
Doux reflet d'un globe de flamme.
Charmant rayon, que me veux-tu?
Viens-tu dans mon sein abattu
Porter la lumière à mon âme?
N«. ïSGg.
CICÉRO ROMAIN.
B.
LA PROVIDENCE.
Combien l'homme est infortuné !
Le sort maîtrise sa faiblesse,
Et de l'enfance à la vieillesse,
D'écueils il marche environné;
Le temps l'entraîne avec vitesse;
Il est mécontent du passé;
Le présent l'afflig-e et le presse ;
Dans l'avenir toujours placé.
Son bonheur recule sans cesse ;
Il meurt en rêvant le repos.
Si quelque douceur passag^ère
Un moment console ses maux ,
C'est une rose solitaire
Qui fleurit parmi des tombeaux.
Toi , dont la puissance ennemie
Sans choix nous condamne à la vie ,
Et proscrit l'homme en le créant,
Jupiter, rends-moi le néant. »
Aux bords lointains de la Tauride ,
Et seul sur des rochers déserts
Qui repoussent les flots amers ,
Ainsi parlait Éphimécide.
N". 4i8.
CICERO GROS OEIL.
Pour me montrer le caractère d'une fleur, les
botanistes me la font voir sèche , décolorée et éten-
due dans un herbier. Est-ce dans cet état que je re-
connaîtrai un lis? N'est-ce pas sur le bord d'un
ruisseau, élevant au milieu des herbes sa tige au-
guste , et réfléchissant dans les eaux ses beaux cahces
plus blancs que l'ivoire que j'admirerai le roi des
vallées? Sa blancheur incomparable n'est-elle pas
encore plus éclatante quand elle est mouchetée,
comme des gouttes de corail, par de petits scara-
bées écartâtes, hémisphériques, piquetés de noir,
qui y cherchent presque toujours un asile? Qui est-
ce qui peut reconnaître dans une rose sèche la
reine des fleurs? Pour qu'elle soit à la fois un objet
d'amour et de philosophie , il faut la voir lorsque ,
sortant des fentes d'un rocher humide, elle brille
CICÉRO GROS OEIL ITALIQUE.
sur sa propî^e verdure ^ que le zéphyr la balance sur
sa tige hérissée à'^ épines, que V aurore Va couverte
de pleurs, et qu^elle appelle par son éclat et par ses
parfums la main des amants. Quelquefois une can-
tharide, nichée dans sa corolle, en relève le carmin
par son vert d'émeraude: c^est alors que cette fleur
\o-\ i558. loog.
SAINT-AUGUSTIN.
N^ IV.
C'est une étrange manie^ c'est un déplo-
rable aveuglement que celui qui anime ainsi
les ims contre les autres des hommes qu'un
même but^ un sentiment indestructible^ de-
vraient^ au milieu des débats les plus achar-
nés^ toujours rapprocher^ toujours réunir;
des hommes qui substituent ainsi l'irascibilité
de l'amour-propre au culte de la patrie^ et
se livrent les uns les autres aux préventions
populaires! Et moi aussi^ on voulait^ i" y ^
peu de jours^ me porter en triomphe^ et
maintenant on crie dans les rues: La grande
trahison de Mirabeau! Je n'avais pas besoin
de cette leçon pour savoir qu'il y a peu de
SAINT-AVGUSTIN ITALIQUE.
distance du Capitale à la roche Tarpéienne.
Mais r homme qui combat pour la raison,
pour la patrie, ne se tient pas si aisément
pour vaincu. Celui qui a la conscience d'avoir
bien mérité de son pays, et surtout de lui
18. i5Go. Gravé par Istaslouk
SAINT-AUGUSTIN ITALIQUE,
FONTENAY,
Désert y aimable solitude,
Séjour du calme et de la paix,
Asile où n^ entrèrent jamais
Le tumulte et V inquiétude,
Quoi! f aurai tant de fois chanté.
Aux tendres accords de ma lyre,
Tout ce qu^on souffre sous V empire
De V amour et de la beauté;
Et, plein de la reconnoissance
De tous les biens que tu m^as faits.
Je laisserai dans le silence
Tes agréments et tes bienfaits!
Oest toi qui me rends à moi-même.
Tu calmes mon cœur agité.
Et de ma seule oisiveté
Tu me fais un bonheur extrême.
N". 44g. Gravé par Istastoule. Cette italique ne se trouve pas dans le spécimen de Gando,
GROS CANON ALLONGÉ.
Gillé fils succède à
son père comme fon-
deur, et apporte des
modifications aux ca-
ractères d écriture. Il
fait exécuter un grand
nombre de fleurons.
N". 534.
LETTRES GRASSES
GRAVÉES PAR ISTASTOULE.
CINC COMPACT ROMAIN.
lorsque j'étais en pleine mer , et que je n'avais d'autre spectacle que le ciel et
l'eau, je m'amusais quelquefois à dessiner les beaux nuages blancs et gris, sem-
blables à des groupes de montagnes , qui voguaient à la suite les uns des autres
sur l'azur des cieui. C'était surtout vers la fin du jour qu'ils développaient toute
leur beauté en se réunissant au couchant , où ils se revêtaient des plus riches cou-
leurs et se combinaient sous les formes les plus magnifiques.
Un soir , environ une demi-heure avant le coucher du soleil , le vent alizé du
sud-est se ralentit , comme il arrive d'ordinaire vers ce temps. Les nuages , qu'il
voiture dans le ciel à des distances égales comme son souffle , devinrent plus rares,
et ceux de la partie de l'ouest s'arrêtèrent et se groupèrent entre eux sous les
formes d'un paysage. Ils représentaient une grande terre formée de hautes mon-
tagnes , séparées par des vallées profondes , et surmontées de rochers pyramidaux.
Sur leurs sommets et leurs flancs apparaissaient des brouillards détachés , sem-
blables à ceux qui s'élèvent des terres véritables. Un long fleuve semblait circuler
dans leurs vallons et tomber çà et là en cataractes ; il était traversé par un grand
pont , appuyé sur des arcades à demi ruinées. Des bosquets de cocotiers , au centre
desquels on entrevoyait des habitations , s'élevaient sur les croupes et les profils
de cette ile aérienne.
SEPT COMPACT ROMAIN.
En effet, dès que l'astre du jour se fut caché derrière lui, quelques-
uns de ses rayons décomposés éclairèrent les arcades demi-transpa-
rentes du pont d'une couleur ponceau, se reflétèrent dans les vallons
et au sommet des rochers, tandis que des torrents de lumière cou-
vraient ses contours de l'or le plus pur , et divergeaient vers les cieux
comme les rayons d'une gloire ; mais la masse entière resta dans sa
demi-teinte obscure , et on voyait autour des nuages , qui s'élevaient
de ses flancs, les lueurs des tonnerres dont on entendait les roule-
ments lointains. On aurait juré que c'était une terre véritable, située
environ à une lieue et demie de nous. Peut-être était-ce une de ces
réverbérations célestes de quelque île très-éloignée , dont les nuages
nous répétaient la forme par leurs reflets , et les tonnerres par leurs
échos.
SEPT COMPACT ITALIQUE.
Plus d'une fois des marins expérimentés ont été trompés par de sem-
blables aspects. Quoi qu'il en soit, tout cet appareil fantastique de
magnificence et de terreur, ces montagnes surmontées de palmiers, ces
orages qui grondaient sur leurs sommets,cefeuve, ce pont, tout fondit
et disparut à l'arrivée de la nuit, comme les illusions du monde à
l'approche de la mort.
de Guiido.
f. L'ili.li.jiie iK
GROS ROMAIN.
Henri Fournîer^ élèye et prote
chez M. M. Firniin Didot^ puis im-
primeur à Paris ^ publie un Traité
de Typographie qui contient de
bonnes instructions pratiques, liais
cet art fait tant de progi'ès^ qu*une
partie des préceptes quïl donne est
déjà tombée en désuétude. L'im-
pression qu*il a faite des fables de La
Fontaine illustrées par Grandyille
est remarquable.
GROS no MA IN ITALIQUE,
Firmin Dldot^ fils d^Amhroise et
frère de Pierre^ succède à son père
pour la fonderie j qu^il avait enrichie
de ses types élégants.
N"". 1;S. î-f). Piol.al.leiaent iira\c par I>la,toule.
GROS PARANGON.
Les caractères appelés
microscopiques, gravés et
fondus par M. Henri Di-
dot, à Fàge de soixante-six
ans, paraissent pour la pre-
mière fois dans l'édition des
„Maximes" de La Roche-
foucauld, imprimé par Di-
dot jeune.
GROS PARANGON ITALIQUE.
Jamais dans aucun pays
rien de semblable, n'avait
été exécuté 9 à beaucoup
prés.
jG. 5oj. Gravé jtar Istasloule.
PETIT CANON.
Thompson, habile
graveur sur bois, exé-
cute avec un talent
remarquable des vig-
nettes supérieures à
ce qui avait été fait
jusqu'alors en France.
PETIT CANON ITALIQUE.
Parmi les nombreux
artistes français qui
se sont formés à son
école.
N*'^ 5i6. 5i;. Gravé par Istastoule.
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Cl
I
I
LETTRES DE DEUX POINTS.
Deux points de Mignonne.
A. CHAPELLE, GRAVEUR À
BRUXELLES PLUS TARD À PARIS.
Deux points de Petit-Texte.
FONDERIE SOCIÉTÉ
NATIONALE À BRUXELLES.
Deux points de Petit-Romain.
ISTASTOULE, GRAVEUR
À BRUXELLES.
Deux points de Philosophie.
HENRI YILLENEUYE
GRAVEUR À LIÈGE.
Deux points de Cicéro.
T. SIMON GANDO
À BRUXELLES.
N«s. 737. 736. 747. 746. 745.
Deux points de Nompareille.
HACHETTE, ANCIEN ÉLÈVE DE L'ÉCOLE
NORMALE, EST NOMMÉ LIBRAIRE. IL A ÉTÉ
NOMMÉ IMPRIMEUR DE L'UNIVERSITÉ
Deux points de Gaillarde.
AMBROISE FIRMIN
DIDOT EST NOMMÉ IM-
PRIMEUR DU ROI
Deux points de Augustin.
LOMBARDAT
À PARIS
Deux points de Gros-Romain.
DOUBLET
V"". 738. j35. 734. 733.
Capitales de Nompareille.
ANT. FRANÇOIS MOMORO , GENDRE ET SUCCESSEUR DE J. F.
FOURNIER LE JEUNE, FONDEUR ET GRAVEUR PUBLIE UN „TRAITB
ELEMENTAIRE D'IMPRIMERIE". MOMORO MOURUT SUR L'ECHAFAUD
AVEC HEBERT.
Capitales de Nompareille.
PINARD QUI S^ÉTAIT DISTINGUÉ À BORDEAUX COMME IMPRIMEUR,
GRAVEUR ET FONDEUR EN CARACTÈRES, ET QUI S'ÉTAIT FORMÉ
À L'ÉCOLE DE FIRMIN DIDOT, TRANSPORTE SON ÉTABLISSEMENT À
PARIS.
Capitales de Petit-Texte.
GUII.I1AUME I.E BÉ, céliÈBRE GRAVEUR ET FONDEUR
EN CARACTÈRES. II. A ACHETÉ I.ES POINÇONS ET LES
MATRICES DE I.A FONDERIE DE CLAUDE GARAMOND.
Capitales de Petit-Romain.
PIERRE DIDOT PUBLIE LA MAGNIFIQUE
ÉDITION DE RACINE, QUI A ÉTÉ PROCLAMÉ
COMME LE CHEF-D'ŒUYRE DE LA TYPO-
GRAPHIE.
Deux points de Nompareille.
LE GRAND, LE GRAVEUR DE
NOUVEAUX TYPES DE
L'UKEPRIMERIE NATIONALE.
Deux points de Petit-Texte.
BERTRAND LOEULLIET
GRAVEUR À PARIS.
N"*. 11 38. ,56;. ,5G8. ,.48. i.iî. iiH.
Ui «««ortiinents n"*. ii38 et ii48 sont gravé.s par A. Veyial. N". ii'ii jmr Istastoiilf. ^". 11 '«3 \>.\r A. I»in:ii.l.
Le u". Il 38 ne se trouve pas dans le spécimen de Gando.
FANTAISIES.
Deux-points de Nompareille ombrées.
Italienne, deux-points Nompareille.
Italienne, deux-points Petit-Text.
FZEKin DIDOT
FILS D'AKBItOZSB
N"*. 1256. 1239. i24o.
Deux points de
Yompareille
ombrées.
ir. ©,
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WMtê UlS<&<&kWÈ 1
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^Mm mmwÈ
iFDED^iiia* 1
De
ux points de Petit-Texte ombrées. 1
(giaiiiâïLii
^ItAlPllLlËIÎ 1
^mniâi
lilËlIE
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ux points de Philosophie
ombrées.
Deux points de Cicéro ornées.
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N'". i'^i2. iix\. i^i'i. iiç)C).
U» assortiments n"*, iSaB, iBai, l'j.çjG sont gravés pur A. Veynit , le n". »:fi:> \y.\r l>lii>t..iilr. !.«• i>". >3ii ■"■ -«•
luve pas dans le spécJinen de Gando.
Deux points de Cicéro ornées.
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Deux points de St. Augustin ornées.
Deux points de Gros-Romain azurées.
J* G* GILLE
FONDEUR.
Deux points de Parangon ornées.
N^s. i3o5. 129;. ,290. i3o6.
Les assortiments u"*. l'^oS, 129- et i3oG sont giavés par Dallut, le u°. 1290 par Istasioule.
GOTHIQUES.
Gothique ornée de Gros-Parangon.
be ^3)X0s^xomm^ be Sg^iceto^ bc
(^^t^nonne |V frout^mf j^n^ C0t|j5 bott--
N". i381
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Gothique Allemande de Philosophie.
®»m bien dtnbïxoït aux armjes,
blutant qxxa "bamte tkivotr^
(ffn France Von vttriifroït pour noir
IDf hon& et vittnmx ;gntîrarmfs.
iptnù}-von& x(ttje Jbrtttt it vacaxme&^
Uï jouftfs Von jcrat^îttft arotr,
€Xm btjfît jcftubiroit awi arm£S
blutant i{na irantjes 'bkivoivl
Cjertfs ntnnvy mais attx alarmas
En â\acnn ùtoit (on 'bivo'n^
(&t pourtant jt fais à fcaDoir,
Concluant fur mea pr^mijers tjerntjes,
€Xut bien fftuïrtrott aux arnijes,
blutant ^u à bam^s hkevoit^
(&n /rancÉ l'on Btjenbrolt pour uoir
Wî bons jet rertttjeux ;gntlrarm^s.
i362.
Gothique Allemande de Saint-Augustin.
^imm foi tji^amtt qui f outrai
}pitt0 nt mUn fjonrtjorit Unir;
Jlmionrtnx mt iant ^je^jenir:
2t nt fçat0 qn% m^m amtnlora.
(Ecmbicn qnt )t fçaq ^je y iiça
tfluVn amours faut maint© maujE {oniirïr;
^xtnnt iox Vamtr qui yxrurra:
|pitt0 nt vcCtn Tfonrrox\t itnxr.
aXion canr^ )trjet)ant-|)iier auoxnïa
^tanït jqui tant it fcait c\^trir^
CSttne 'bWit nt mni iDfipartir.
€'t{i Mil xi tùixtntiitra.
^xtnnt iox tr^antjer (\nx pxxnrra:
îpitt0 ne xnUn Tfonrrox\t itnxr.
Gothique Allemande de Petit-Parangon.
Cljttttfon.
^oua liberté 'iféîkét,
Béeiït, où t'te-tu rdivée
iûXe laiffant m captivité^
^éiasl île mox) ne te îiétournc!
Mctournc, à liberté, retourne,
Retourne, à îioure liberté!
Don îiéport m'a trop fait ronnoiftre
Ce bonl)eur oit je foulots eftre,
(îiîluonïi ÎJoure tn m'oUois guidant;
©t xfue, fans languir ÎJaoantage,
Je ÎJetiois, fi j'euffe été fo^ge,
UerîJre la oie en te perdant.
X". i3Gi.
Gothique Allemande de Petit-Parangon.
Ce €oq et le Henarîi.
Ce rettûrîr, par bois errant,
ba qucrant,
|3our fa bent tenîire pafture,
(Bt fi loin en la fin va,
^u'il troutja
Ce toq par méfatjenture.
Ce foq, île granb' peur qu'il a,
Ô'enuola
0ur une ente l)aute et belle,
mifant que maiftrc renarîi
n'a pas Vaxi
ÎDe monter îieffus icelle.
i^«;
Gothique x4.11emancle Je Parangon.
£c xcTffoSy ks \mx^ la Ikfft,
£t Tpm U îoin ^'une jeumffi^,
Ct tom Ub platto mont iaiffé;
JHaintmant rien ne me peut plaire,
Sin^n, html et f^litaire,
3l^0rer l'œil ijui m'a bleffé.
€luel cijarme, m quel ^ieu plein îi'enuie
% cljani^é ma première uie,
Ca comblant ^'infelicite?
Ct t0i|, liberté ^efirée,
iDeefle, m t'e$-tu retirée?
Ïlet0urne, o hona liberté!
N''. iV'u.
É
Gothique Allemande de Gros-Parangon.
JUiftant la Saône
ÎBtt Eljône
Une Itene on mmxon,
mt rifle,
Cifle gentille,
SDelïans fon moite giron,
CDù Tenfant
€ant triompljant,
|3ar fa mort trop plus qu amère,
% îre0 antel0
Jmmortek,
Pour foi, fa granîr, et fa mère.
liïG*)
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TAROTES,
N°. 1.
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N°. 5.
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N"». 4»8i. 4494. 446i. 446o. i634. i635. i43i
EPREUVES
DES CARACTÈRES
DE LA FONDERIE
DE TH. S. GANDO,
FONDEUR A BRUXELLES.
SECOND RECUEIL.
I
ROMAINS ET ITALIQUES.
MIGNONNE.
Qui pourrait décrire les mouvements que l'air communique aux végétaux?
Combien de fois, loin des villes, dans le fond d'un vallon solitaire couronné
d'une forêt, assis sur le bord d'une prairie agitée des vents, je me suis plu à
voir les mélilots dorés , les trèfles empourprés , et les vertes graminées , former
des ondulations semblables à des flots , et présenter à mes yeux une mer agitée
de fleurs et de verdure! Cependant les vents balançaient sur ma tète les cimes
méyestueuses des arbres. Le retroussis de leur feuillage faisait paraître chaque
espèce de deux verts différents. Chacun a son mouvement. Le chêne au tronc
raide ne courbe que ses branches , l'élastique sapin balance sa haute pyramide ,
le peuplier robuste agite son feuillage mobile , et le bouleau laisse flotter le sien
dans les airs comme une longue chevelure. Ils semblent animés de passions.
L'un s'incline profondément auprès de son voisin , comme devant un supérieur ;
l'autre semble vouloir l'embrasser comme un ami; un autre s'agite en tous
sens , comme auprès d'un ennemi. Le respect , l'amitié , la colère semblent passer
tour à tour de l'un à l'autre comme dans le cœur des hommes , et ces passions
versatiles ne sont au fond que les jeux des vents. Quelquefois un vieux chêne
élève au milieu d'eux ses longs bras dépouillés de feuilles et immobiles. Comme
un vieillard , il ne prend plus de part aux agitations qui l'environnent ; il a
vécu dans un autre siècle. Cependant ces grands corps insensibles font entendre
des bruits profonds et mélancoliques. Ce ne sont point des accents distincts : ce
sont des murmures confus, comme ceux d'un peuple qui célèbre au loin une
fête par des acclamations. Il n'y a point de voix dominante : ce sont des sons
monotones , parmi lesquels se font entendre des bruits sourds et profonds , qui
nous jettent dans une tristesse pleine de douceur. Ainsi les murmures d'une
forêt accompagnent les accents du rossignol, qui de son nid adresse des vœux
reconnaissants aux amours.
MIGNONNE ITALIQUE.
C'est un fond de concert qui fait ressortir les chants éclatants des
oiseaux, comme la douce verdure est un fond de couleurs sur lequel se
détache l'éclat des fleurs et des fruits. Ce bruissement des prairies , ces
gazouillements des bois, ont des charmes que je pré f ère aux plus bril-
lants accords; mon âme s'y abandonne , elle se berce avec les feuillages
ondoyants des arbres, elle s'élève avec leur cime vers les deux , elle se
transporte dans les temps qui les ont vus naître et dans ceux qui les
verront mourir ; ils étendent dans l'infini mon existence circonscrite et
fugitive. Il me semble qu'ils me parlent, comme ceux de Dodone, un
langage mystérieux; ils me plongent dans d'ineffables révertes, qui
N"*". i54. i55. Gravé par LoiubarJal.
PETIT TEXTE.
Il faut être heureux , cher Emile ; c'est la fin de tout être sensible ;
c'est le premier de'sir que nous imprima la nature, et le seul qui ne
nous quitte jamais. Mais où est le bonheur? qui le sait? Chacun le
cherche, et nul ne le trouve. On use la vie à le poursuivre, et l'on
meurt sans l'avoir atteint. Mon jeune ami, quand à ta naissance je te
pris dans mes bras , et qu'attestant l'Etre suprême de l'engagement que
j'osai contracter je vouai mes jours au bonheur des tiens , savois-je moi-
même à quoi je m'engageois ? non : je savois seulement qu'en te rendant
heureux j'étois sûr de l'être. En faisant pour toi cette utile recherche,
je la rendois commune à tous deux.
Tant que nous ignorons ce que nous devons faire , la sagesse consiste
à rester dans l'inaction. C'est de toutes les maximes celle dont l'homme
a le plus grand besoin , et celle qu'il sait le moins suivre. Chercher le
bonheur sans savoir où il est, c'est s'exposer à le fuir; c'est courir
autant de risques contraires qu'il y a de routes pour s'égarer. Mais il
n'appartient pas à tout le monde de savoir ne point agir. Dans l'inqm-
étude où nous tient l'ardeur du bien-être, nous aimons mieux nous
tromper à le poursuivre, que de ne rien faire pour le chercher; et,
sortis une fois de la place où nous pouvons le connoître , nous n'y sa-
vons plus revenir.
Avec la même ignorance j'essayai d'e'viter la même faute. En prenant
soin de toi , je re'solus de ne pas faire un pas inutile et de t'empêcher
d'en faire. Je me tins dans la route de la nature , en attendant qu'elle
me montrât celle du bonheur. Il s'est trouvé qu'elle étoit la même , et
qu'en n'y pensant pas je l'avois suivie.
PETIT TEXTE ITALIQUE.
Sois mon témoin, sois m^n juge; je ne te récuserai jamais. Tes
premiers ans n'ont point été sacrifiés à ceux qui les dévoient suivre ;
tu as joui de tous les biens que la nature t'apoit donnés. Des maux
auxquels elle t'assujettit, et dont j'ai pu te garantir, tu n'as senti
que ceux qui pouvoient t' endurcir aux autres. Tu rien as jamais
souffert aucun que pour en éviter un plus grand. Tu n'as connu ni
la haine, ni l'esclavage. Libre et content, tu es resté juste et bon;
car la peine et le vice sont inséparables , et jamais l'homme ne
devient méchant que lorsqu'il est malheureux.
N"*". ao8. aog. Probablement de la fonderie de Gando.
PETIT TEXTE.
Lorsque j'étais en pleine mer, et que je n'avais d'autre spectacle que
le ciel et l'eau, je m'amusais quelquefois à dessiner les beaux nuages
blancs et gris, semblables à des groupes de montagnes, qui voguaient à
la suite les uns des autres sur l'azur des cieux. C'était surtout vers la fin
du jour qu'ils développaient toute leur beauté en se réunissant au cou-
chant, où ils se revêtaient des plus riches couleurs et se combinaient
sous les formes les plus magnifiques. Un soir, environ une demi-heure
avant le coucher du soleil , le vent alizé du sud-est se ralentit, comme il
arrive d'ordinaire vers ce temps. Les nuages, qu'il voiture dans le ciel à
des distances égales comme son souffle, devinrent plus rares, et ceux de
la partie de l'ouest s'arrêtèrent et se groupèrent entre eux sous les for-
mes d'un paysage. Ils représentaient une grande terre formée de hautes
montagnes, séparées par des vallées profondes, et surmontées de rochers
pyramidaux. Sur leurs sommets et leurs flancs apparaissaient des brouil-
lards détachés, semblables à ceux qui s'élèvent des terres véritables. Un
long fleuve semblait circuler dans leurs vallons et tomber çà et là en ca-
taractes; il était traversé par un grand pont, appuyé sur des arcades à
demi ruinées. Des bosquets de cocotiers, au centre desquels on entre-
voyait des habitations, s'élevaient sur les croupes et les profils de cette
île aérienne. Tous ces objets n'étaient point revêtus de ces riches teintes
de pourpre, de jaune doré, de nacarat, d'émeraude, si communes le soir
dans les couchants de ces parages; ce paysage n'était point un tableau
colorié: c'était une simple estampe, où se réunissaient tous les accords
de la lumière et des ombres. Il représentait une contrée éclairée, non en
face, des rayons du soleil, mais, par derrière, de leurs simples reflets.
PETIT TEXTE ITALIQUE.
En effet, dès que Vastre du jour se fut caché derrière lui , quel-
ques-uns de ses rayons décomposés éclairèrent les arcades demi-
transparentes du pont d'une couleur ponceau, se reflétèrent dans
les vallons et au som^met des rochers , tandis que des torrents de
lumière couvraient ses contours de Vor le plus pur, et divergeaient
vers les cieux com^me les rayons d'une gloire-, m^ais la m^sse en-
tière resta dans sa demi-teinte obscure , et on voyait autour des
nuages, qui s'élevaient de ses flancs, les lueurs des tonnerres dont
on entendait les roulements lointains.
if)G. 19-. Gravé par Loinltardat.
GAILLARDE.
Quand nous eûmes doublé le cap de Bonne-Espérance, et que
nous vîmes l'entrée du canal de Mozambique, le 23 de juin, vers le
solstice d'été, nous fûmes assaillis par un vent épouvantable du
sud. Le ciel était serein, on n'y voyait que quelques petits nuages
cuivrés, semblables à des vapeurs rousses, qui le traversaient avec
plus de vitesse que celle des oiseaux. Mais la mer était sillonnée
par cinq ou six vagues longues et élevées, semblables à des chaînes
de collines, espacées entre elles par de larges et profondes vallées.
Chacune de ces collines aquatiques était à deux ou trois étages. Le
vent détachait de leurs sommets anguleux une espèce de crinière
d'écume , où se peignaient çà et là les couleurs de l'arc-en-ciel. Il
en emportait aussi des tourbillons d'une poussière blanche qui se
répandait au loin dans leurs vallons, comme celle qu'il élève sur
les grands chemins en été... Ce qu'il y avait de plus redoutable,
c'est que quelques sommets de ces collines, poussés en avant de
leurs bases par la poussière du vent, se déferlaient en énormes
voûtes, qui se roulaient sur elles-mêmes en mugissant et en écu-
mant, et eussent englouti le plus grand vaisseau s'il se fût trouvé
sous leurs ruines. L'état de notre vaisseau concourait avec celui de
la mer à rendre notre situation affreuse. Notre grand mât avait été
brisé la nuit par la foudre, et le mât de misaine, notre unique
voile, avait été emporté le matin par le vent.
GAILLARDE ITALIQUE.
Le vaisseau, incapable de gouverner, voguait en travers,
jouet du vent et des lames. J'étais sur le gaillard d'arrière,
me tenant accroché aux hauteurs du mât d'artimon, tâ-
chant de me familiariser avec ce terrible spectacle. Quand
une de ces montagnes approchait de nous, j'en voyais le
sommet à la hauteur de nos huniers, c'est-à-dire à plus de
cinquante pieds au-dessus de ma tête: mais la base de
cette effroyable digue venant à passer sous notre vaisseau
rrave par
Loinbardat.
PETIT ROMAIN.
L'écureuil est un joli petit animal qui n'est qu'à demi sau-
vage , et qui , par sa gentillesse , par sa docilité , par l'inno-
cence même de ses mœurs, mériteroit d'être épargné ; il n'est
ni carnassier ni nuisible, quoiqu'il saisisse quelquefois des
oiseaux; sa nourriture ordinaire sont des fruits, des aman-
des, des noisettes, de la faine et du gland; il est propre, leste,
vif, très-alerte, très-éveillé , très-industrieux; il a les yeux
pleins de feu, la physionomie fine, le corps nerveux, les
membres très-dispos: sa jolie figure est encore rehaussée,
parée par une belle queue en forme de panache , qu'il relève
jusque dessus sa tête, et sous laquelle il se met à l'ombre. Il
est, pour ainsi dire, moins quadrupède que les autres; il se
tient ordinairement assis presque debout, et se sert de ses
pieds de devant, comme d'une main, pour porter à sa bouche;
au heu de se cacher sous terre, il est toujours en l'air. Il ap-
proche des oiseaux par sa légèreté ; il demeure comme eux
sur la cime des arbres, parcourt les forêts en sautant de l'un
à l'autre, y fait son nid, cueille les graines, boit la rosée, et
ne descend à terre que quand les arbres sont agités par la
violence des vents. On ne le trouve point dans les champs,
dans les heux découverts, dans les pays de plaine ; il n'approche
PETIT ROMAIN ITALIQUE.
jamais des habitations ; il ne reste point dans les
taillis, mais dans les bois de hauteur, sur les vieux
arbres des plus belles futaies. Il craint Veau plus en-
core que la terre, et Von assure que lorsqu'il faut la
passer, il se sert d'une écorcepour vaisseau, et de sa
queue pour voile et pour gouvernail. Unes engourdit
pas, comme le loir, pendant V hiver; il est en tout
N"'«. 3oo. 3t
Gravé par Luiuburdal.
PETIT ROMAIN.
Aux avantages de la nature le cygne réunit ceux de la li-
berté ; il n'est pas du nombre de ces esclayes que nous puis-
sions contraindre ou renfermer; libre sur nos eaux, il n'y
séjourne, ne s'y établit qu'en y jouissant d'assez d'indépen-
dance pour exclure tout sentiment de servitude et de capti-
vité; il veut à son gré parcourir les eaux, débarquer au
rivage, s'éloigner au large, ou venir, longeant la rive, s'a-
briter sous les bords, se cacher dans les joncs, s'enfoncer
dans les anses les plus écartées, puis, quittant sa solitude,
revenir à la société, et jouir du plaisir qu'il paroît prendre
et goûter en s'approchant de l'homme , pourvu qu'il trouve
en nous ses hôtes et ses amis , et non ses maîtres et ses tyrans.
Chez nos ancêtres, trop simples ou trop sages pour rem-
plir leurs jardins des beautés froides de l'art, en place des
beautés vives de la nature, les cygnes étoient en possession
de faire l'ornement de toutes les pièces d'eau ; ils animoient,
égayoient les tristes fossés des châteaux; ils décoroient la
plupart des rivières, et même celle de la capitale ; et l'on vit
l'un des plus sensibles et des plus aimables de nos princes
mettre au nombre de ses plaisirs celui de peupler de ces
beaux oiseaux les bassins de ses maisons royales...
Les anciens ne s'étoient pas contentés de faire du cygne
un chantre merveilleux; seul entre tous les êtres qui fré-
missent à l'aspect de leur destruction , il chantoit encore
au moment de son agonie, et préludoit par des sons har-
monieux à son dernier soupir. C'étoit, disoient-ils , près
d'expirer, et faisant à la vie un adieu triste et tendre, que
le cygne rendoit ces accents si doux et si touchants, et
qui, pareils à un léger et doux murmure, d'une voix basse,
plaintive et lugubre, formoient son chant funèbre. On en-
tendoit ce chant lorsqu'au lever de l'aurore les vents et les
X». 3<
Probabltment de la fonderie de Gando.
SAINT-AUGUSTIN.
Le lézard gris paraît être le plus doux, le
plus innocent, et l'un des plus utiles des lé-
zards. Ce joli petit animal, si commun dans
le pays où nous écrivons, et avec lequel tant
de personnes ont joué dans leur enfance,
n'a pas reçu de la nature un vêtement aussi
éclatant que plusieurs autres quadrupèdes
ovipares; mais elle lui a donné une parure
élégante: sa petite taille est svelte, son mou-
vement agile, sa course si prompte, qu'il
échappe à l'œil aussi rapidement que l'oiseau
qui vole. Il aime à recevoir la chaleur du
soleil; ayant besoin d'une température dou-
ce, il cherche les abris; et lorsque, dans un
beau jour du printemps, une lumière pure
éclaire vivement un gazon en pente, ou
une muraille qui augmente la chaleur en la
SAINT-AUGUSTIN ITALIQUE.
réfléchissant, on le voit s'étendre sur ce
mur, ou sur V herbe nouvelle, avec une es-
pèce de volupté. Il se pénètre avec délices
de cette chaleur bienfaisante, il marque
son plaisir par de nnolles ondulations de
N»*. 46o. 46i. Grave par LoniLardat.
GROS ROMAIN.
G. A. Crapelet succède à
son père, imprimeur estimé.
Ses éditions sont appréciées des
connaisseurs par leur correc-
tion et leur bonne exécution
typographique. Imprimeur in-
struit, il a publié plusieurs ou-
vrages de la langue françai-
se au moyen âge, étude à la-
quelle il s'était particulièrement
ITALIQUE.
A. F. MotnorOy gendre et
successeur de J. F. Fournier
le jeune ^ fondeur et graveur ^
publie un Traité élémentaire
N«^ 48G. 48;. Gravé par Marcellin Legrand.
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RONDES.
FLEURONS ET VIGNETTES,
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